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01/05/2023

L'estime de soi

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(Photo- Nice, rosier en mai)

Comment pourrait-on définir une personne authentique? Elle a une haute estime de soi, elle accepte l'idée d'être parfois vulnérable, elle partage ses idées, opinions, croyances sincères avec le reste du monde, elle fait et reçoit volontiers des compliments, elle écoute réellement et préfère les conversations profondes, elle se laisse guider par sa voix intérieure plutôt que par son environnement. La clé de l'authenticité consiste à savoir qui on est, et se sentir bien avec soi-même. Cela demande du temps pour développer des idées solides sur les choses qui présentent vraiment de l'intérêt à ses propres yeux, afin de ne pas adopter aveuglément celles des autres. Quand on arrive à vivre en accord avec ses valeurs, quand on peut les ressentir, les soutenir, se battre pour elles, les représenter, on devient davantage proactif que réactif. Les personnes qui savent regarder en elles-mêmes, pour comprendre pourquoi elles pensent et agissent d'une certaine façon, sont plus éveillées quant aux principes et aux objectifs qui jalonnent leur vie. 

Le noyau de ce comportement authentique n'est autre que l'estime de soi. Sur la question fondamentale si l'estime de soi est une valeur inaliénable, ou bien une capacité à acquérir, les opinions sont divisées. Dans certains pays, il existe des programmes pour promouvoir l’estime de soi et la responsabilité, comme facteurs indispensables de la réussite personnelle et sociale. Mais pour qu’ils soient vraiment efficaces, il faudrait qu’ils accompagnent des changements de fond dans la société, des changements susceptibles d’offrir des conditions à l’épanouissement personnel.

Le psychiatre Christophe André énumère six dimensions de l’estime de soi : la hauteur, la stabilité, l’harmonie, l’autonomie, le coût, la place dans la vie personnelle.

On peut avoir une estime de soi haute (s’apprécier, être assez sûr de soi pour agir et prendre sa place parmi les autres, ne pas s’effondrer face aux échecs ou aux difficultés, etc.) ou basse (se dévaloriser, être peu sûr de soi et souvent éviter d’agir et ou de prendre sa place parmi les autres, facilement s’effondrer ou renoncer face aux échecs et aux difficultés, etc.). La recherche d’une haute estime de soi à tout prix ne peut être un idéal. De nombreux sujets à haute estime de soi s’avèrent anxieux, rigides, et finalement en échec intime, émotionnel et relationnel, dans de nombreuses circonstances de la vie. Alors que certains sujets ayant une estime d’eux-mêmes modérée arrivent à se sentir bien et à accomplir de grandes choses. Il est possible de mentir ou de se mentir en matière de niveau d’estime de soi. On identifie une bonne estime de soi au discours que la personne porte sur soi (elle parle positivement d’elle, accepte les compliments sans gêne), à son attitude face à l’action (elle est capable d’entreprendre, de persévérer, de renoncer sans se sentir humiliée ni chercher d’excuses), à ses attentes et à ses ambitions (elle ajuste ses prétentions à sa valeur, ni trop ni trop peu).

Un bon indice de la qualité de l’estime de soi concerne sa réactivité aux événements de la vie. Il s’agit de l’intensité des réactions émotionnelles face aux situations difficiles, mais aussi aux réussites. Une estime de soi stable joue un rôle d’amortisseur face aux échecs ou aux réussites, aux critiques ou aux approbations. C’est-à-dire ne pas avoir une réactivité exagérée au moindre problème qui mettrait en cause son image devant les autres. Cette stabilité se traduit par un comportement et un discours constants, quel que soit le public ou les interlocuteurs. 

Une estime de soi harmonieuse n’est pas surinvestie dans un domaine, mais au contraire, elle a de multiples centres d’intérêt. La personne peut ainsi se réparer dans un domaine si elle est en échec dans un autre, et cela sans sombrer dans l’amertume. Il n’existe pas de grands écarts entre personne privée (en famille, avec les proches) et personnage public (dès que les autres regardent). 

Certaines estimes de soi dépendent principalement de facteurs externes - succès financier ou statutaire, apparence physique. D'autres sont plus centrées sur l’atteinte de valeurs, la pratique de vertus (se montrer gentil, serviable, solidaire, généreux, honnête, etc.). Quand on investit son estime de soi dans des objectifs internes, elle est plus résistante et solide parce qu’elle ne dépend pas de la validation de l’environnement. Elle est donc autonome par rapport aux pressions sociales sur ce qu’il faut avoir, faire ou montrer pour se sentir estimé des autres (voiture, conjoint, enfants, etc.). La capacité d’endurance, de supporter le rejet ou le désaveu en termes de soutien social est aussi un marqueur de l’autonomie de l’estime de soi.

Pour rester à niveau, l’estime de soi nécessite des  stratégies de maintien, de développement, de protection. Cela a un coût psychologique. Protéger ou promouvoir l’estime de soi ne se fait pas en dépensant énormément d’énergie dans le déni de réalité, la fuite, l’évitement, l’agressivité envers autrui. Ce sont là des stratégies qui sacrifient de nombreux aspects de la qualité de vie. Une estime de soi « économe » en énergie psychologique suppose un impact émotionnel modéré des événements mineurs, un bas niveau général du stress, une réaction mesurée aux critiques, une justification sans exagération, une capacité à entendre les critiques au lieu de les éviter ou de les annihiler. 

L’aspect de la place centrale de l’estime de soi dans la vie de la personne est important puisqu'il est lié à l’image de soi. Quelle importance accordons-nous à notre image, à l’opinion que les autres ont de nous, à notre amour-propre (réagir aux critiques sans se sentir offensé, ou parfois choisir de ne pas réagir) ? La question est si la défense ou la promotion de notre image occupent une place centrale dans notre esprit et dans nos efforts, ou simplement une place légitime, sans excès. Chez les personnalités narcissiques, l’estime de soi est une question centrale et vitale et aussi envahissante. Une bonne estime de soi, c’est-à-dire non surinvestie, se reconnaît au fait que les blessures d’amour-propre ne contaminent pas l’ensemble des pensées de la personne, son activité ou ses états émotionnels. La personne a la capacité de digérer ses échecs sans drame, sans surveiller en permanence les indices témoignant de son statut, elle se contente d’être appréciée sans avoir besoin d’être célébrée. Elle peut suivre des objectifs qui ne lui rapportent rien en termes de prestige social ou d’image, elle agit gratuitement en termes d’estime de soi. Tout le monde n’en est pas capable, mais tout le monde peut apprendre.

Voici dans ce document PDF les caractéristiques d'une personne qui s'estime (cours CEFRO).

 

Références 

Christophe André, Imparfaits, libres et heureux. Pratiques de l’estime de soi, Editions Odile Jacob, 2006, 2009

Archives CEFRO Etre authentique (2014)

01/03/2023

Les mots qui libèrent

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(Photo- Magnolia à Nice, février-mars 2023)

Dans un ouvrage sensible et plein d’humour, l’écrivain britannique Matt Haig raconte comment il est venu au bout d’une dépression qui l’avait poussé au suicide, à seulement vingt-quatre ans. Il décrit le combat qu’il a mené pour comprendre ce qui lui arrivait, pour vaincre sa maladie et se mettre sur le chemin de la guérison.   

Le fait que ce livre existe prouve que la dépression ment. Elle vous fait penser des choses fausses. Pour autant, la dépression elle-même n’est pas un mensonge. C’est la chose la plus réelle que j’aie jamais connue. Bien sûr, elle est invisible. Aux yeux des autres, vous vous promenez avec la tête en feu, mais personne ne voit les flammes. C’est pour cette raison  - la dépression est surtout invisible et mystérieuse - que la stigmatisation est particulièrement cruelle, car elle affecte les pensées, or la dépression est une maladie de la pensée. (…) Mais nous nous en sortirons, et la meilleure manière pour cela est d’en parler. Voire peut-être d’écrire et de lire sur le sujet. (…) Parfois, les mots peuvent nous libérer.

Il existe cinq genres littéraires : narratif, poétique, épistolaire, théâtral, argumentatif. Un manuel du XIX siècle, 1876, conçu par un professeur d’anglais à l’Ecole Normale de Millersville, en Pennsylvanie, explique l’art de l’étiquette épistolaire. Une lettre devrait être vue non simplement comme une communication de l’intelligence, mais aussi comme un travail artistique. Parmi les centaines de lettres que Kafka a écrites durant sa brève vie, il y a de belles lettres d’amour et une merveilleuse lettre adressée à un ami d’enfance au sujet de l’effet des livres sur l’âme humaine. La question de l’importance des livres et de l’influence de la lecture sur notre âme a préoccupé les grands esprits, mais aussi les enfants. La meilleure réponse peut-être à ce que les livres représentent pour un esprit peint comme sombre et dépressif, bien que d’une extraordinaire sensibilité à la beauté de la vie, appartient à Kafka. Il écrit en 1903, alors qu’il est âgé de 20 ans, à son ami d’enfance Oskar Pollak : Certains livres ressemblent à une clé qui ouvre des chambres inconnues dans notre propre château. Je pense que nous devrions lire uniquement ce genre de livres qui nous blesse et nous poignarde. Si le livre que nous lisons ne nous réveille pas d’un coup sur la tête, à quoi bon le lire ? Parce qu’il nous rend heureux, dites-vous ?  Bon Dieu, mais justement nous serions heureux si nous n’avions pas de livres, et le genre de livres qui nous rend heureux est celui que nous écririons nous-mêmes, s’il fallait. Nous avons besoin de livres qui nous affectent comme un désastre, qui nous fassent éprouver du chagrin, comme la mort de quelqu'un que nous avons aimé plus que nous-mêmes, comme si nous étions exilés en forêt, loin de tout, comme un suicide. Un livre doit être la hache pour briser la mer gelée en nous. Voilà ce que je crois.

Nous trouvons toute la profondeur de son introspection dans la lettre de 47 pages écrite à son père, Hermann, en novembre 1919. La Lettre au père est au centre de l’œuvre de Kafka, et c’est aussi son écrit le plus autobiographique. Alors qu'il est âgé de 36 ans, il dresse un réquisitoire (jamais remis à son destinataire) pour abus émotionnel, pour les deux poids de mesure, pour la désapprobation constante qui ont marqué son enfance. Dans cette tentative obstinée pour comprendre leur relation faite d’admiration et de répulsion, de peur et d’amour, de respect et de mépris, les accusations qu'il formule sont déchirantes, si on les regarde à la lumière des découvertes psychologiques des dernières décennies. Notre contact émotionnel avec nos parents forme profondément notre caractère, et la configuration de nos habitudes émotionnelles et de nos modèles relationnels influencera toutes nos relations dans la vie, y compris en élargissant ou en rétrécissant notre aptitude à la résonance positive. Tout dépend de combien de nourrissantes ou de toxiques ont été ces relations formatrices de début. Pour ceux d’entre nous qui ont vécu des expériences similaires, infligées par un père ou par une mère, la lettre de Kafka a un extraordinaire écho. 

Voici quelques extraits de cette lettre désespérée, où se mêlent réel et fiction. Lettre au père. Document PDF.

 

Références

Matt HAIG, Reasons to Stay Alive, Ed. Canongate, Edinburgh-London, 2015/ Rester en vie. Mille raisons de se relever et d’exister pleinement, Editeur Philippe Rey, Le Livre de Poche, 2016

Kafka’s Remarquable Letter to His Abusive and Narcissistic Father (https://www.themarginalian.org)

Franz KAFKA, Lettre au père, Editions Gallimard, 1957

01/02/2023

Lire Spinoza, une forme de thérapie

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(Photo- L'hiver, ailleurs)

Le mal est une absence de bien (privatio boni). C’est ce que dit Thomas d'Aquin, philosophe et théologien, l’un des pionniers de la Scolastique au 13 e siècle, Docteur de l’Eglise, le plus saint des savants et le plus savant des saints. Thomas d'Aquin occupe un chapitre dans mon travail de Thèse sur la pensée et la littérature du Moyen Âge, et, des années plus tard, quand mon intérêt allait s'élargir au domaine des émotions et des neurosciences, sa formule concise privatio boni, comme définition du mal, m'est apparue sous un autre éclairage. Par exemple, à propos de l’absence de joie, même dans les moindres aspects de la vie (ce que l’on appelle anhédonie ou perte de la capacité à éprouver du plaisir - symptôme central de la dépression majeure et de certains troubles neuropsychiatriques).

Mais plus concrètement, comment faire quand on se trouve confronté au mal absolu, c'est-à-dire à la mort, violente et soudaine, d’un être cher ? En général, il existe deux solutions censées apporter un peu de consolation : la religion (la foi) et la philosophie (la raison). C’est pourquoi, depuis novembre dernier, je me suis plongée dans la lecture de mon philosophe-thérapeute, Spinoza, qui m'avait déjà aidée en 2003, dans un moment difficile. 

Ceux qui connaissent Spinoza savent qu’il était loin d’être athée (bien qu’il fût excommunié), et qu’il a créé peut-être le plus cohérent des systèmes philosophiques, où la Raison et la Joie occupent une place fondamentale: Deus sive Natura. Il explique, dans son Traité de la réforme de l’entendement, le but de sa recherche : "Je résolus de chercher s’il existait quelque objet qui fût un bien véritable, capable de se communiquer, et par quoi l’âme, renonçant à tout autre, pût être affectée uniquement, un bien dont la découverte et la possession eussent pour fruit une éternité de joie continue et souveraine". Ce Bien suprême est Dieu, mais c'est le Dieu de Spinoza. 

Cette fois-ci, j'ai choisi le Traité théologico-politique. J’ai résumé quelques idées dans ce document PDF.  

 

Références 

Spinoza, Œuvres II. Traité Théologico-politique, GF-Flammarion, 1965

01/01/2023

Le sommeil et son utilité (II)


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(Photo- Mimosa en hiver, à Nice)

Bonne Année et une excellente santé physique et mentale! 

 

Les bienfaits du sommeil sur notre cerveau sont colossaux, mais par manque d’information nous ne savons pas quel remède remarquable est le sommeil. C’est le fournisseur de santé universel, capable de dispenser une ordonnance pour chaque maladie physique ou mentale. Il faut comprendre que le sommeil n’est pas l’absence d’éveil, mais beaucoup plus que cela. Il restaure la capacité d’apprentissage du cerveau en faisant place aux nouveaux souvenirs. 

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