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01/06/2025

Attention et respect empathique

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(Photo- Les rosiers du square Durandy)

Nous connaissons tous cette citation de Simone Weil : L’attention est la forme la plus rare et la plus pure de la générosité. Nous avons peut-être eu l’occasion de nous sentir ignorés ou pas entendus dans une conversation, pendant que notre interlocuteur gardait les yeux rivés sur son portable ou n’écoutait pas, ou il approuvait sans vraiment répondre à ce que nous disions. C’est frustrant, bien sûr. Nous avons l’impression d’être déconnectés, voire invisibles. Néanmoins, nous avons pu également être dans l'autre rôle dans ce scénario. Le monde trépidant qui nous entoure sollicite constamment notre attention au maximum et il est difficile d’être entièrement présent dans nos relations.


Si nous voulons établir des relations significatives, nous devons nous poser la question sur ce que nous montrons, sur notre façon d’être dans une conversation, car cela a de l’importance non seulement pour notre interlocuteur, mais également pour nous-mêmes. Les connexions réelles, authentiques, sont plutôt rares, presque un luxe. C’est pourtant nous qui décidons de la façon dont nous sommes présents et de ce que nous laissons voir de nous-mêmes. Quand nous choisissons d’être attentifs et d’écouter avec intérêt, non seulement nous améliorons notre relation, mais aussi nous devenons une meilleure version de nous-mêmes. Nous voyons ce qui est important, la connexion est meilleure, la vie devient plus riche et plus profonde. Les neurosciences expliquent comment notre cerveau est câblé pour la connexion. Les neurones miroir nous permettent d’observer les émotions et de les ressentir réellement, nous ressentons de l’empathie naturellement, nous sommes nés avec cette capacité, et aujourd'hui il est incontestablement reconnu que les bébés de quelques mois ont des réponses empathiques. L’empathie est câblée en nous dès le début de notre existence. Avec le temps, la vie nous apprend que la logique et l’efficacité ont plus d’importance que la conscience émotionnelle, et notre priorité est d’être exacts, de garder le contrôle, de résoudre et de fixer, plutôt que de comprendre et de ressentir. Le risque serait que cette accentuation de la performance supprime notre empathie innée et notre habileté à nous connecter aux autres, avec une conséquence lente, celle de nous isoler.

Autrement dit, nous sommes construits pour nous connecter, et nous sommes conditionnés pour nous déconnecter. En devenant conscients, nous avons le pouvoir de choisir le bon pas suivant, l’empathie est une compétence que nous pouvons toujours récupérer et renforcer. Au lieu de choisir d’être performants dans une conversation, pourquoi ne pas choisir de nous concentrer sur la compréhension, en nous assurant que l’autre se sente valorisé, respecté, écouté ? C’est ce que l’on appelle l’écoute profonde. Ce n’est pas juste entendre les paroles, mais pouvoir se connecter aux émotions, au contexte, aux intentions derrière les mots. Les études montrent que ce type d’écoute, où nous ne nous laissons pas distraire et où l’interlocuteur se sent compris, renforce sensiblement les relations en augmentant la confiance et l’intelligence émotionnelle et en diminuant l’incompréhension. Les équipes dirigées par des leaders émotionnellement intelligents, qui placent la présence et l’empathie au centre de leur communication, font preuve d’un investissement de 20% plus important au travail. Il faut juste faire l’effort d’écouter réellement, et de créer ainsi des moments de présence concentrée, attentive, qui va enrichir nos relations et notre développement émotionnel. En quoi consiste-t-il, cet effort ? En écoutant d’abord entièrement, sans préparer notre réponse pendant que l’autre est en train de parler. En marquant un temps d’arrêt pour observer et réfléchir à ce que l’autre ressent derrière ses paroles, et enfin, en posant des questions afin de comprendre son point de vue, au lieu de nous précipiter aux conclusions. Ce sont de petits ajustements dans la façon d’écouter, mais qui ont un fort impact sur notre manière de nous connecter à l’autre. Quand nous respectons les gens, ils le sentent et ils s’ouvrent. L’empathie s’approfondit, les relations s’affermissent. Pratiquer le respect empathique, c’est se connecter plus en profondeur aux émotions de l’autre personne et à sa perspective, en créant ainsi une base pour la confiance et la compréhension. Plutôt que d’être dans le contrôle et la domination, essayons de nous placer au même niveau que l’autre, et observons comment notre approche change. Abandonnons le besoin d’avoir raison. Cherchons aussi quelque chose à apprécier, car il y aura toujours quelque chose. Dans chaque conversation, si nous restons ouverts, nous découvrirons toujours quelque chose de valeur sur l’autre, sa perspective, son courage à partager, son expérience, il y aura toujours quelque chose qui mérite le respect.

Un très grand nombre de nos connexions ont lieu dans l’espace virtuel. Dans ce cadre spécifique, régi par des règles concrètes et des moyens codés pour faciliter nos réactions et nos réponses, l’empathie, le respect et la confiance émotionnelle restent pourtant essentiels pour éviter les possibles dérapages. Nous passons énormément de temps devant nos écrans et sur les smartphones. Une personne passe en moyenne 4 heures et 37 minutes sur son smartphone, ce qui fait une journée entière par semaine, dix semaines entières par an. De nombreuses études menées montrent que l’utilisation excessive des smartphones (le scrolling) a un impact négatif sur la société. Au niveau global, la solitude est en hausse et le bien-être en baisse. Les effets psychologiques sont importants : solitude ou isolement, manque de concentration, anxiété, dépression, obésité, etc. Alors, comment réduire le temps d’écran ? La meilleure voie est de développer une conscience émotionnelle autour de nos habitudes (ce que nous ressentons, pourquoi nous vérifions notre téléphone), de nous fixer des limites de temps pour vérifier l’écran et de voir aussi combien d’activités nous pourrions faire à la place, de considérer attentivement nos émotions, nos choix, nos intuitions profondes. Il est question, bien sûr, d’une reconnexion à nous-mêmes. Néanmoins, l’espace virtuel n’est pas seulement une source d’information, de savoir, de communication. Il pourrait être, à condition d’apprendre à tirer profit de ses nombreux bénéfices et de ses immenses possibilités, un outil spécial de connaissance personnelle, comme feed back, et d’épanouissement. Il n’est pas uniquement le milieu où se développe l’économie du savoir, mais aussi le milieu où nous pouvons nous rencontrer et construire des relations à très longue distance, ce qui est toujours un gain pour la connaissance de l’autre et de soi-même.

En écrivant cela, je pense à un monsieur, ami sur Facebook, professeur de littérature et traducteur, vivant, dans la dernière partie de sa vie, dans un pays dont il n’était pas originaire, le Mexique, à sa présence constante et discrète, aux images qu’il postait - la bibliothèque de la résidence où il habitait et les ouvrages qu’il présentait, la langue, l’édition. Le dernier a été un exemplaire de Nietzsche qui l’a accompagné jusqu'à la fin. Il décrivait des moments de sa vie passée, qu’il évoquait comme dans une sorte de journal personnel, sans expliquer qui était qui, c’était juste une remémoration, au grès des instants qui déclenchaient les souvenirs. Parfois, il choisissait des images du jardin, les roses dans l’allée, sa table au restaurant de la résidence, ses lunettes et un livre ouvert, ou l’écran de l’ordinateur allumé dans sa chambre. De ces éléments de son quotidien, un lecteur attentif pouvait reconstituer une histoire, derrière le récit qui avait l’air décousu. Il lisait mes notes de blogs, sur Cefro et sur elargissement-ro, et il avait une manière collégiale d’approuver dans un bref commentaire. Il y a quelques jours, j’ai lu avec tristesse un message en français et en anglais publié par sa famille sur son profil. Il était parti, avant d’avoir ses 84 ans, un anniversaire qu’il attendait et qu’il mentionnait fréquemment dans ses publications.

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