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01/10/2025

La motivation

theorie de la motivation, besoins psychologiques, compétences émotionnelles

(Photo -Les roses devant la Bibliothèque Romain Gary)

La motivation fait l’objet d’un large champ de recherches et, à l’heure actuelle, on ne peut parler d’une seule théorie, mais d’un ensemble de mini théories qui s’affinent et se complètent. L’approche la plus pertinente est la Théorie de l’Autodétermination (TAD), développée par Edward L. Deci et Richard M. Ryan. Bien que la théorie initiale ait été formulée dans les années 1980, elle se distingue des théories plus anciennes (comme la pyramide des besoins de Maslow ou les théories basées sur les récompenses et les punitions) par son approche plus humaine et plus nuancée, et elle est continuellement mise à jour. 

Elle fait une distinction cruciale entre la motivation intrinsèque (faire une activité pour le plaisir qu’elle procure) et la motivation extrinsèque (faire une activité pour obtenir une récompense ou éviter une punition), tout en mettant l’accent sur l’importance de la motivation intrinsèque pour le bien-être et la performance à long terme. La satisfaction de trois besoins psychologiques universels et innés influence la motivation intrinsèque : l’autonomie (le besoin de se sentir à l’origine de ses propres actions et d’avoir le choix), la compétence (le besoin de se sentir efficace et capable d’accomplir des tâches), l’appartenance sociale ou la relation (le besoin de se sentir connecté et en relation avec les autres. Bien entendu, la théorie étudie aussi le continuum entre l’amotivation (absence de motivation) et la motivation intrinsèque, en passant par la motivation extrinsèque. Il faut préciser que plus la motivation est autodéterminée, c’est-à-dire plus proche de la motivation intrinsèque, plus les résultats en termes de persistance, créativité, bien-être sont positifs. La Théorie de l’Autodétermination trouve une large application dans les domaines les plus divers (le management, l’éducation, le sport, le design de jeux vidéo), elle a une approche holistique (elle prend en compte l’environnement, le sentiment d’appartenance et bien-être psychologique de l’individu), et elle validée scientifiquement par de nombreuses études empiriques qui ont confirmé ses principes. C’est donc une théorie robuste et respectée dans le milieu scientifique, qui offre une perspective riche et pratique pour comprendre ce qui pousse les individus à agir.  


Regardons de plus près les besoins psychologiques essentiels de l’être humain. Ils ne sont pas différents selon les cultures, mais inhérents à la race humaine : aimer et être aimé, et se sentir utile à soi-même et aux autres. Selon le psychiatre américain William Glasser (la thérapie par le réel), la personne qui a besoin d'un traitement psychiatrique souffre d'abord et avant tout d'inadaptation et cela quelle que soit la façon dont elle exprime son problème (psychose, troubles du comportement, dépression, etc.). L'inadaptation signifie que le patient est incapable de satisfaire ses besoins essentiels, ou bien il les satisfait de façon irréaliste. Selon le psychiatre américain, les gens n'agissent pas de façon irresponsable parce qu'ils sont malades, mais ils sont malades parce qu'ils agissent de façon irresponsable. Dans l'approche analytique, les conflits mentaux inconscients sont plus importants que les problèmes conscients, et il est important de les faire connaître au malade à l'aide de l'interprétation des rêves, du transfert et d'associations libres, mais en même temps il est nécessaire d'éveiller la responsabilité du patient, et ne pas le laisser excuser son comportement sur la base de motivations inconscientes. Le simple fait de connaître les causes de son comportement n’amène pas nécessairement un individu à changer son comportement tout simplement parce que cela ne le conduit pas à la satisfaction de ses besoins. Faire de la thérapie ne signifie pas faire la recherche des causes du comportement humain, selon Glasser. Pour faire cesser un comportement insatisfaisant, le patient doit pouvoir satisfaire ses besoins psychologiques de façon réaliste et responsable, et pour y arriver, il doit faire face au monde réel qui l'entoure, et ce monde inclut des normes de comportement. Le rôle du thérapeute est de confronter les comportements du patient à ces normes et de lui faire juger la qualité de ce qu'il fait.

On sait que des gens ordinaires peuvent commettre le mal par l’indifférence, la soumission, l’obéissance, la participation. C’est ce que Hannah Arendt désigne par la banalité du mal. Primo Lévi décrit "la zone grise" comme une zone de frottement entre les oppresseurs et les victimes. "Les motivations et les justifications sont beaucoup plus importantes (…) Exprimées dans des formulations différentes, et avec une arrogance plus ou moins grande selon le niveau mental et culturel de celui qui parle, toutes reviennent, pour l’essentiel, à dire les mêmes choses : je l’ai fait parce qu’on m’a commandé de le faire ; d’autres (mes supérieurs) ont commis des actes pires que les miens ; étant donné l’éducation que j’ai reçue et le milieu dans lequel j’ai vécu, je ne pouvais pas faire autre chose ; si je ne l’avais pas fait, un autre l’aurait fait à ma place, et plus durement."  (Les naufragés et les rescapés, Quarante ans après Auschwitz, Gallimard, 1989, 2011). En se référant à un autre totalitarisme, celui-ci engendré par la Révolution, Panaït Istrati écrivait en 1929: "Je ne proteste pas contre la masse. Elle, la misérable, a toujours eu faim et n’a songé au sublime qu’en vertu de son ventre. Elle est à absoudre. Mais comment absoudre ceux qui sortent de son sein, se proclament son élite, s’imposent des salaires limités pour la galerie et accaparent, étouffent, écrasent, volent, violent, tuent dans le silence. N’est-ce pas là, à jamais, la faillite morale d’une Révolution ? Il m’est absolument impossible de faire le bilan de cette immoralité. Elle remplirait des volumes et comprendrait toute la hiérarchie, du sommet à la base, dans l’URSS et dans l’Internationale, certains pour y avoir trempé, d’autres pour avoir vu faire et n’avoir rien dit, tous pour tout savoir et tout cacher, aux yeux du monde qui a, au moins, le droit à l’espoir (…). Ils ont installé, consciemment, l’injustice chez eux. Ils ont corrompu de vastes couches sociales, et plus particulièrement les misérables, pour se faire des majorités et pour gouverner. Leur corruption est des plus inhumaines : si vous voulez manger, même maigrement, il faut être dans la "ligne", il faut encore dénoncer le camarade frère qui s’y refuse. C’est ainsi que la Russie est parvenue à cette ignominie (…) : jeter la moitié de la même classe contre l’autre moitié (…). (Vers l'autre flamme, Confessions pour vaincus, Paris, 1980).

On se souvient que les expériences de Milgram sur l’obéissance ont montré que la volonté d’un homme à infliger une souffrance à l’autre durait aussi longtemps que l’autorité dans laquelle il avait confiance le lui demandait. Les observations de Milgram portent sur les situations d'obéissance de la vie quotidienne jusqu'aux grands événements de notre histoire, comme la Seconde Guerre mondiale. Sa conclusion est que ceux qui se soumettent aveuglément aux exigences de l'autorité ne peuvent prétendre au statut d'hommes civilisés. Mais il semblerait que l'Histoire ne renonce jamais à certains schémas. Les causes se sont peut-être modifiées, mais le phénomène de la pensée totalitaire est en train de revenir sous la forme du fondamentalisme religieux, puisque les idéologies n'existent plus. On le reconnaît facilement dans sa spécificité, qui est celle d'empêcher, voire d'écraser la pensée autonome. D’ailleurs, une méta-analyse universitaire d’il y a quelques années explique comment l'intelligence et la religiosité sont corrélées négativement : Abstract ou  New meta-analysis..

Le psychologue français d’origine autrichienne Paul Diel (1893-1972), philosophe de formation, nous enseigne que la plus grande forme de la condition humaine serait une harmonie de l’esprit qui se situe au-delà de la morale et des morales et qui serait ainsi porteuse d’un authentique pouvoir de redressement et d’accomplissement. Diel a beaucoup écrit sur la motivation, sur l’angoisse, sur la joie, sa méthode étant basée sur l'élucidation de nos émotions par l'auto-observation, une méthode d'investigation introspective. "Pour voir clair dans la psyché, il faut pouvoir regarder. Le problème est de savoir si une observation objective du fonctionnement intra-psychique est possible. Si une telle possibilité existe, elle ne peut être réalisée que par l'auto-observation. C'est dans la psyché de chacun que la motivation est vivante, et l'homme ne peut saisir la motivation vivante que dans sa propre psyché. Ce n'est qu'à l'aide de la compréhension de sa propre motivation qu'il devient possible de comprendre la motivation d'autrui". Voici, par exemple, comment il voit la résolution du contraste angoissant entre l'imagination et la réalité, contraste qui nous fait souffrir: c'est par l'attaque lucide que nous nous rendons compte des exigences de la réalité, "au lieu de nous abandonner entièrement aux jeux dangereux de nos désirs, et de nous laisser envahir par l'imagination affective". L'imagination déréglée et exaltée, c'est l'imagination maladive, à laquelle s'oppose l'imagination réglée et ordonnée qu'est l'imagination compréhensive. Dans la mesure où nous ne sommes pas malades ou angoissés, devant un problème nous recherchons ses causes, nous réfléchissons, nous prenons une résolution. Si dans l'imagination maladive, les désirs se contredisent et se contrecarrent, s'exaltent et se paralysent mutuellement, dans l'imagination compréhensive un tel chaos n'existe pas, les désirs réunis qui visent le même objet prennent tous la même direction vers la réalisation, en se renforçant mutuellement, et en réveillant dans la psyché des forces nouvelles et inattendues. Mais cet ordre psychique est créé uniquement par la réflexion; car c'est elle qui transforme les désirs en volonté, à l'inverse de l'imagination exaltée, qui elle, transforme les désirs en angoisse et en inhibition. "Le travail de la réflexion consiste à éliminer les désirs exaltés, angoissés, insensés, qui contrecarrent l'activité. Le nombre des désirs diminue et il ne reste plus que les désirs réalisables. Cette capacité de réflexion, chaque psyché humaine la possède à un degré plus ou moins grand, elle est le résultat de l'évolution de la psyché animale jusqu'à la psyché humaine; évolution créée par l'obligation de supporter ou de vaincre la souffrance de la vie.[...] La tâche de chaque vie serait donc de continuer ce travail intérieur, afin de poursuivre l'évolution de la fonction compréhensive, de la conscience"(Extraits: Paul DielPsychologie de la motivation, Payot, 2006, Angoisse et Joie, Payot 2011).

Ce travail de réflexion personnelle est une compétence qui peut être améliorée par la pratique durant toute la vie. De nos jours, on l'appelle intelligence émotionnelle : des compétences critiques, de la tolérance au stress et au changement, de la capacité de décision, des compétences sociales, de la confiance, de l’empathie, de la flexibilité, de la gestion du temps et des finances…Pour résumer, il existe quatre compétences fondamentales qui se rangent sous deux compétences de  premier ordre : la compétence personnelle (conscience de nos émotions, de nos comportements) et la compétence sociale (notre habileté à gérer les relations, donc toutes les interactions avec autrui, connaissance et maîtrise). Au cours d'une existence normale, nous apprenons à devenir plus conscients de nos humeurs, à mieux maîtriser nos émotions qui nous perturbent, à écouter et à montrer de l'empathie, et donc notre intelligence émotionnelle tend à progresser, et nous gagnons en maturité. Ce qui est valable souvent en psychothérapie (analytique, par exemple) semble être valable en apprentissage émotionnel: il ne suffit pas de comprendre intellectuellement la cause d'un comportement pour déclencher un changement, et cela parce que la compréhension intellectuelle ne traduit pas une capacité ou une motivation, et qu'elle n'offre pas une méthode pour y parvenir. Lorsqu'on enseigne des compétences cognitives et techniques, la connaissance abstraite peut être suffisante, mais elle ne l'est pas pour une compétence émotionnelle. Les études montrent que les gens sont plus satisfaits quand ils font des expériences qui ont du sens, même si les émotions sont désagréables, c’est-à-dire qu’ils n’auraient pas souhaitées (comme la colère) mais qu’ils jugent appropriées dans une situation donnée.   

Le bonheur, le bien-être et la qualité de vie font l’objet d’étude de la psychologie positive. Beaucoup des traits caractéristiques des consommateurs que nous sommes sont liés à l’environnement. Néanmoins, les recherches montrent que les gens aiment faire des choses bien plus que posséder des choses, ils sont aussi plus heureux de changer leurs activités que de changer les circonstances matérielles, et ils semblent apprécier davantage les expériences, parce qu'ils peuvent les garder en mémoire ou les partager. Cultiver un talent personnel et avoir des relations, ainsi qu'un esprit indépendant, semble plus important que l'argent, ou la renommée. Un haut revenu apporte la satisfaction, mais pas forcément le bonheur. Le bien-être émotionnel, qui reflète l'expérience quotidienne de la joie, du stress, de la tristesse, de la colère, de l'affection -tout ce qui fait que la vie est agréable ou désagréable - est perçu différemment, en fonction de l'argent et de l'évaluation personnelle (ce que pensent les gens de leur propre vie). L'évaluation de la vie augmente avec le revenu, le bien-être émotionnel augmente aussi avec le revenu, mais jusqu'à une certaine limite (apparemment 100.000 $ par an). Travailler moins et consommer moins, ce serait une voie à envisager. En même temps, notre société se crée des idoles et des standards de richesse et de succès inatteignables, et qui obligent à travailler toujours plus, et à dépenser toujours plus. Quand on regarde l’histoire, à aucune époque l’humanité n’a mieux vécu : le confort, les technologies, la médecine moderne, le divertissement, etc. Donc, quel est notre degré de bonheur ou de satisfaction ? Certains pensent que ce serait la qualité de notre vie moins le sentiment d’envie envers les autres, quand nous nous comparons…

 

 

 

 

 

 

 

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