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25/03/2015

Méditation et thérapie

méditation, mindfulness, altruisme, Matthieu Ricard, livre, thérapies, recherche (Photos Nice: la Promenade des Anglais)

 

Dans un entretien où il parle de son livre sur l'altruisme, Matthieu Ricard nous rappelle ces paroles de Victor Hugo: "Il n'y a rien de plus puissant qu'une idée dont le temps est venu". Notre époque serait donc celle de l'altruisme, qu'il faudrait introduire dans une économie positive et dans une stratégie environnementale à long terme, et surtout enseigner à l'école, de manière laïque. En Amérique du Nord, des projets pédagogiques consistant à rendre familière aux élèves la pratique de la pleine conscience par la méditation donnent des résultats très positifs: la violence a baissé en proportion de 24%, le comportement social s'est amélioré en proportion de 24%, les bons résultats en maths ont augmenté de 15%, la conduite en classe est devenue meilleure (l'autocontrôle, l'attention, le respect des autres). Dans ces pratiques inspirées de la sagesse orientale il n'est pas question de "religion déguisée", et cela pour la simple raison qu'on n'enseigne pas un dogme religieux. Méditer signifie cultiver des qualités, telles l'attention, l'empathie, la compassion, la liberté intérieure, afin d'entraîner son esprit pour mieux comprendre la réalité, et devenir plus fort face à l'adversité extérieure. Il est évident que l'ouverture d'esprit va faire diminuer le sentiment de peur, de vulnérabilité, d'insécurité, et va augmenter la confiance, le courage, la disponibilité pour les autres. C'est notre vision du monde qui compte, et c'est elle qui impacte la qualité de notre vie. 

 

Les recherches menées ces dernières décennies sur le cerveau ont mis en lumière les rapports entre les émotions, le comportement et l'équilibre neurochimique dans le cortex préfrontal. Récemment, des chercheurs de l'Université de Barkeley ont mis au point une molécule (le Tolcapone) qui imite les effets de la dopamine (l'hormone de la sociabilité) et peut créer une motivation vers des comportements prosociaux, par exemple plus d'équité. Cela montre que l'étude scientifique des problèmes de la nature humaine peut fournir des perspectives intéressantes pour le diagnostic et le traitement des dysfonctions sociales. On a donc observé comment notre aversion à l'égard de l'inégalité est influencée par la chimie de notre cerveau. L'espoir des chercheurs est que des médicaments qui ciblent la fonction sociale pourront être utilisés un jour pour traiter des états handicapants. 

La pratique de la pleine conscience (Mindfulness) tient déjà sa promesse dans le traitement de la dépression, la plus tenace maladie mentale: 80% des personnes ayant déjà eu un épisode dépressif vont rechuter. Les médicaments perdent leur effet dans le temps, si des fois ils en ont eu. Cette thérapie basée sur la méditation (Mindfulness Based Cognitive Therapy -MBCT)  et introduite par le Dr. Kabat-Zinn dans les hôpitaux aux Etats-Unis, aide à prévenir la rechute. On sait bien que les gens présentant un risque de dépression sont ceux qui ruminent des pensées négatives, des sentiments et des croyances envers eux-mêmes qui les poussent vers la dépression. La MBCT les aide à reconnaître ce qui se passe, en les faisant s'engager dans une voie différente et réagir avec compassion et humeur égale. La pleine conscience consiste à prêter attention à l'expérience du moment présent, en observant les pensées et les émotions sans les juger et sans se laisser attraper par celles-ci. Le but est d'arrêter le vagabondage de l'esprit, et de se concentrer sur sa respiration, en laissant ainsi moins de place pour la rumination. Le Dr. Zindel Segal observe que la méditation a pénétré dans notre culture d'une manière qui aurait paru inconcevable il y a une vingtaine d'années, quand les recherches commençaient à s'y intéresser pour un possible traitement des troubles de l'humeur. Le point fort de cette thérapie bienveillante est qu'elle n'a pas d'effets secondaires. Elle peut aussi accompagner un autre type de thérapie. Les personnes dépressives qui choisissent de la pratiquer activement, comme une alternative intéressante aux médicaments, développent un meilleur sens de l'auto-efficacité, et donc de l'estime de soi.

 

Aujourd'hui la popularité croissante des techniques de méditation parmi les chercheurs et le public n'est plus à démontrer, mais évidemment, certains pays sont plus avancés par rapport à d'autres: recherches, programmes, projets, thérapies. C'est sans nul doute l'aspect contemporain qui pourrait devenir le plus fédérateur, en alliant la sagesse à la rigueur de la science, et en mettant entre parenthèses les dogmes religieux qui divisent. 

Dans cette vidéo, vingt minutes réconfortantes, dans le langage le plus laïc possible, avec Matthieu Ricard, scientifique (Docteur en génétique cellulaire) et moine bouddhiste. 

 

12/03/2015

Refuser la manipulation

manipulation, entreprise, santé psychologique, travail, leaders, gestion(Photos Nice - Le fleuriste rue Hôtel des Postes)
 
D'après la définition courante, la manipulation consiste à orienter notre perception de la réalité, en entrant par effraction dans notre esprit pour y déposer une opinion ou provoquer un comportement, sans que nous sachions qu'il y a eu effraction. Donc il s'agit d'une violence psychologique différente de la violence physique, qui, elle, passe à l'action explicite. Dans une note antérieure, j'évoquais quelques aspects de l'abus émotionnel. On peut se poser la question à quel moment, et à quel degré, on est manipulé sur le plan social, politique, psychologique, puisque cette tentative est omniprésente. Supposons que vous tombiez sur un site de santé qui vous promet des révélations en la matière, et vous invite à visionner une vidéo de ce que des chercheurs bibliques viennent de découvrir: un mystérieux message de guérison, un code, caché dans la Bible. Après avoir écouté/lu pendant 15 minutes un enregistrement dans lequel la pseudo-science et les indices du dogme religieux sont subtilement dosés (21e siècle oblige), vous voyez, enfin, le message s'afficher: clic sur ce bouton pour réclamer une Encyclopédie naturelle de la guérison, dont l'auteur est Docteur chercheur évangéliste. Tout cela a l'air d'être un brin plus élaboré que les miracles par icônes et reliques, dans lesquels excellent d'autres cultes. Ou bien, supposons que vous soyez d'accord pour optimiser votre vie en 10 étapes (vous souscrivez aux leçons): la clé du bonheur; l'optimisme ou apprendre à contrôler son esprit; le sens et la conscience de soi; les objectifs ou comment les créer pour être réellement motivé et heureux; l'action; l'énergie (nutrition, exercice, repos); la sagesse ou comment devenir un amoureux de la sagesse (alias un philosophe); le courage ou comment se débarrasser de ses peurs; l'amour ou comment optimiser ses relations; comment se connecter au plus haut de la sagesse qui se cache à l'intérieur de soi. Simple, pratique, rapide. L'auteur qui vous propose cette optimisation clé en main possède un diplôme en psychologie et business, et a déjà levé 8 millions pour créer une plateforme de design et de sports. 
Tout choix est une question de discernement, et pour que celui-ci arrive à opérer, il y a une condition: il faut consacrer un peu de temps à la réflexion. C'est un vrai travail et il paie, mais autrement. 

 

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13/02/2015

Ethique et univers

éthique, bien, mal, désir, bonheur, philosophie, sciences, univers, complexité(Photos Nice: Pâquerettes)

 

Pour Thomas d'Aquin, le mal est une absence de bien, privatio boni, il dérive d'une perversion du bien. Nous faisons le mal parce que nous désirons le bien, et nous recherchons le bien de mauvaise façon. Le désir qui s'oriente vers le mal ne peut être qu'une perversion du désir, et celui qui convoite le mal le fait à cause d'un défaut, d'un manque dans sa capacité de désirer, une sorte d'infirmité. Pourquoi le mal serait-il donc nécessaire? D'abord, à cause de la constitution de l'homme comme créature, ensuite pour mettre mieux en évidence le bien. Si chaque objet est connu par rapport à son contraire, alors, s'il n'y avait pas de mal, le bien serait connu de façon moins déterminée, et par conséquent serait désiré avec moins d'ardeur. Si le bien doit être reconnu avant d'être désiré, il peut être reconnu avec plus de précision en étant mis en rapport avec le mal. En ce sens, le mal devient une occasion de bien. 

 

Jusqu'à la fin du XVIIIe, la poursuite du bonheur était quelque chose attaché au concept de bien, et aussi le ressort évident de toute action humaine. Pour les Stoïciens le bonheur ou le vrai bien découle directement de la vertu rationnelle -ne pas désirer, c'est être libre. L'adversité n'est pas dans les choses, mais dans le désir qui nous met en conflit avec les choses. C'est dans L'Ethique à Nicomaque que nous pouvons trouver une analyse rigoureuse du lien entre le bonheur et le souverain bien. En observant que "tous assimilent le fait de bien vivre et de réussir au fait d'être heureux", Aristote réfute toutes les positions visant à réduire le bonheur au plaisir, à la richesse, aux honneurs. Pour lui, le bonheur n'est jamais désirable en vue d'autre chose, il est toujours une activité menée conformément à la raison et en accord avec la vertu. En même temps, ce n'est que l'intellect qui délibère, car il permet non seulement d'expliquer une action, mais aussi de la justifier d'un point de vue éthique. D'où l'importance de la sagesse ou de la prudence, qui est pour lui "une disposition accompagnée de règle vraie, capable d'agir dans la sphère de ce qui est bien ou mal pour les êtres humains" (Ethique à Nicomaque, 1143 B 3-4). L'activité propre de l'homme réside dans l'activité de l'âme conforme à la raison, c'est-à-dire à la vertu. C'est pour cette raison que bonheur et vertu sont identifiés: si l'homme réalise son excellence par la vertu, si c'est par elle qu'il atteint sa fin propre, alors c'est elle qui doit être qualifiée de souverain bien. 

Pour Spinoza, qui recherche le Souverain Bien capable de se communiquer,  le bonheur n'est pas la récompense de la vertu, il est la vertu elle-même. 

 

On comprend ainsi que faire de la poursuite du bonheur un but en soi est une erreur. Il faudrait chercher autre chose que son propre bonheur, par exemple le bonheur d'autrui, l'amélioration de la condition de l'humanité, la justice sociale, aspirer à autre chose qui soit non pas un moyen, mais une fin idéale. Et alors, on découvrirait le bonheur chemin faisant. Peu importe le type d'activité que l'on fait, l'important c'est de placer son intérêt dans une fin idéale. 

La philosophie n'est pas que spéculation, elle vise à la sagesse dans sa dimension pratique. Je sais qu'il existe des tentatives de faire du développement personnel à partir d'une doctrine philosophique - appliquer telle ou telle doctrine philosophique dans notre vie. Il y a même des livres qui sont sortis. Je ne trouve en rien cette démarche séduisante, pour la simple raison qu'elle semble ignorer la mise à distance nécessaire pour la pensée, et aussi le rôle de la subjectivité et de l'expérience personnelle. Faire connaître, revisiter les philosophes, les présenter, les faire relire, et dégager ce qui est universel dans les catégories et les concepts, cela oui. Ce serait une démarche utile et respectueuse du raisonnement des individualités du XXIe que nous sommes. Autrement, la philosophie servirait à un autre type d'endoctrinement, lorsqu'elle se veut libératrice. 

 

De récentes découvertes en science laissent supposer que l'univers produit de façon naturelle de la complexité. Les scientifiques essaient de comprendre comment la structure simple de l'univers peut permettre la création de la complexité. L'émergence de la vie en général, et de la vie rationnelle en particulier, associée à sa culture technologique, pourrait être très courante, ce serait une tendance réelle de l'univers d'évoluer de façon prévisible. Le fait de croire que l'univers est structuré pour produire de la complexité en général, et des créatures rationnelles en particulier, n'est pas forcément une croyance religieuse, c'est-à-dire que cela n'implique pas forcément que l'univers a été créé par un Dieu, mais cela suggère que le type de rationalité que nous possédons n'est pas un accident. Il doit y avoir quelque chose de spécifiquement moral concernant les créatures rationnelles et sociales, et dans ce cas, les éventuels extraterrestres intelligents ont dû développer des attitudes similaires à partir de leurs engagements moraux de base. Un tel accord universel pourrait être un système éthique universel.    

19/01/2015

L'apprentissage de l'intelligence émotionnelle

intelligence émotionnelle, compétences, apprentissage, pédagogie, entreprise intelligente, formation (Photo: Nice, Promenade des anglais)

 

Des dizaines d'années de recherches prouvent que l'intelligence émotionnelle est le facteur qui départage clairement ceux qui réussissent, aussi bien dans leur vie professionnelle que personnelle. L'intelligence émotionnelle est ce quelque chose qui existe en chacun de nous et qui affecte la manière dont nous gérons notre corps et notre esprit, dont nous affrontons les complexités sociales, en prenant les décisions les plus appropriées pour arriver à des résultats positifs. Cette intelligence est en rapport avec un élément fondamental du comportement humain parfaitement distinct de l'intellect. Nous ne pouvons pas prédire l'intelligence émotionnelle à partir du QI d'une personne -elle peut avoir un QI de 125, et avoir cependant un sérieux déficit en compétences émotionnelles (la conscience de soi, la maîtrise de soi..). 

Goleman observe que l'importance de l'intelligence émotionnelle tient au lien qui unit la vie affective, la personnalité et les instincts moraux, et que les attitudes éthiques fondamentales de l'individu dérivent de ses capacités psychologiques sous-jacentes. Nous sommes guidés dans le monde qui nous entoure par deux esprits -rationnel et émotionnel -dont les modes de connaissance sont très différents. L'esprit émotionnel alimente en informations les opérations de l'esprit rationnel, lequel va les traiter, en les affinant ou en les rejetant. Ils sont semi-indépendants, puisqu'ils reflètent le fonctionnement de structures cérébrales distinctes mais interconnectées (le cerveau "pensant" et le système limbique). L'Intelligence émotionnelle est une composante essentielle de la personnalité, sans s'y réduire. Sur le parcours de notre vie, notre personnalité (ou "le style" qui nous définit) est plutôt stable, tout comme le QI (notre intelligence cognitive ou habileté à apprendre est pratiquement la même à 15 ans et à 50 ans).

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