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01/04/2023

Intelligence humaine vs Intelligence artificielle

cerveau,ia,conscience,éthique

(Photo- Magnolia à Nice)

Une simple recherche sur Google nous apprend que ChatGPT (Generated Pretrained Transformer) est une application de l’Open AI, entreprise spécialisée dans le raisonnement artificiel, et qu’elle est issue en novembre 2022. Il existe la version 3 et bientôt 4. Il s’agit d’un modèle de langage de pointe qui peut générer du texte de manière autonome en utilisant des algorithmes d’apprentissage automatique, à savoir des résumés, des traductions automatiques ou de la reconnaissance de la langue. Néanmoins, elle n’est pas infaillible, elle peut générer des erreurs, des informations incomplètes ou fausses, des réponses imprécises. Plusieurs articles de presse en ont parlé. Par exemple, l’application a été utilisée pour poser un diagnostic médical, or les informations et les données introduites n’ont pas suffi pour que le diagnostic soit correct, il fallait savoir interpréter certaines données dans un contexte spécifique, personnel, ce que seul un médecin humain pouvait faire. Bien entendu, il n’y a pas que le ChatGPT, il y a d’autres IA dans le monde, qui mentent, qui font du plagiat, ou qui hallucinent. Il ne faudra surtout pas sous-estimer le danger des IA utilisées par les cybercriminels : des contenus qui désinforment, des images fausses, générées par l’ordinateur, des publics manipulés.


Le cerveau humain produit environ 70.000 pensées par jour, à savoir environ 29.000 pensées par heure, il peut stocker 2,5 petabytes (1 petabyte est une unité de mesure informatique représentant le contenu d’un milliard de livres, environ 500 milliards de pages de texte), ce qui est égal à 3 millions d’heures de télévision ou à un million de photos en haute définition. Le cerveau peut produire l’énergie d’une ampoule de 23 watts. Malgré son poids de 2% de notre corps, il consomme 20% de l’énergie du corps. Il contient 160.000 km de vaisseaux sanguins qu’il alimente en nutriments et en oxygène. Chaque neurone est capable d’environ 10.000 connexions à d’autres neurones, ce qui fait 1000 trillions de connexions. Le cerveau contient 100 milliards de neurones et pèse environ 1.4 Kilos. L’amygdale, la partie responsable des émotions, peut traiter une information en 20 millisecondes, ce qui est plus rapide que notre perception consciente de quelque chose.

Bien entendu, les ordinateurs super performants sont capables de nous battre aux échecs et de faire plus de calculs par seconde que le cerveau humain. Mais il y a beaucoup de tâches que notre cerveau peut réaliser normalement, au quotidien, que les ordinateurs ne peuvent simplement pas faire : interpréter des événements et des situations, ou utiliser l’imagination, la créativité et des habiletés pour résoudre des problèmes. Ce sont les connexions entre les neurones qui traitent l’information. Et puis, il y a la conscience, la grande question (The Hard Problem): quelle est son origine, comment se forme-t-elle dans la masse des neurones et des synapses ? Des études et des ouvrages récents montrent que la méditation peut réorganiser le cerveau, en modifiant son activité et sa connectivité (voir les ouvrages de Rick Hanson, Le cerveau de Bouddha, etc.). Des chercheurs en neurosciences, comme l’équipe de Trinity College de Dublin, suggèrent que l’enchevêtrement peut être un processus présent dans notre cerveau. Ils utilisent une technique pour tester la gravité quantique. Dans notre cerveau il existe certains isotopes dont les spins changent la manière de réagir du corps et du cerveau. Si des processus quantiques ont lieu dans le cerveau, il serait difficile d’observer comment ils fonctionnent. Si le cerveau utilise le calcul quantique, ces opérateurs quantiques peuvent être différents des opérateurs connus des systèmes atomiques, d’où la difficulté de nommer un système quantique inconnu, alors que nous ne disposons pas d’un équipement pour mesurer les interactions mystérieuses et inconnues. Comme nous savons, il existe deux champs de la physique - celui du monde microscopique (atomes, photons, particules et ondes qui interagissent et se comportent dans le monde que nous percevons autour de nous), et celui de la gravité, qui gouverne le mouvement des étoiles, des planètes et nous tient sur la Terre. Unir ces deux champs dans une théorie primordiale, c’est là où la gravité quantique apparaît. Cela pourra aider les scientifiques à comprendre les forces sous-jacentes qui gouvernent notre univers. Etant donné que la gravité quantique et les processus quantiques dans le cerveau sont deux grandes inconnues, les chercheurs de Trinity College ont décidé d’utiliser la même méthode que d’autres scientifiques utilisent pour essayer de comprendre la gravité quantique. Ils ont essayé de détecter, à l’aide d’un IRM (ils ont scanné quarante sujets) un enchevêtrement, c’est à-dire une intrication quantique. Ils ont aussi observé et corrélé  le battement de coeur des patients, puisque le cœur, comme d’autres organes, est engagé dans une communication à double sens avec le cerveau, ils s’envoient des signaux l’un à l’autre (nous le voyons quand le cœur réagit à la douleur, à l’attention, à la motivation, mais le battement de cœur est aussi lié à la mémoire à court terme ou au vieillissement). [art. dans The European Physical Journal, Oct 2022 "Complexity analysis of heartbeat-related signals in brain MRI time series as a potential biomarker of aging and cognitive performance"]. Le cœur qui bat produit un signal électro-physiologique, comme les ondes alpha et beta, appelé HEP, qui est lié à la conscience parce qu’il indique la présence de l’enchevêtrement uniquement quand le patient est conscient, quand il s’endort, le signal disparaît. Les recherches se poursuivent et si les résultats sont confirmés, ils pourraient indiquer que le cerveau utilise des processus quantiques.

C’est l’imagination qui fait que nous sommes humains. Des découvertes ont prouvé que le même mécanisme de l’imagination involontaire a été acquis par les mammifères il y a 140 millions d’années (la différence entre l’imagination volontaire et l’imagination involontaire est analogue à la différence entre le contrôle volontaire d’un muscle et un spasme musculaire). La plupart des mammifères non-humains ont le potentiel d’imaginer ce qui n’existe pas ou n’est pas arrivé, mais de façon involontaire, pendant leur sommeil REM. Seuls les humains sont capables de créer, volontairement, de nouveaux objets ou situations dans leur cerveau, en utilisant la synthèse préfrontale. L’imagination volontaire permet aux gens de combiner de façon délibérée des pensées, c’est-à-dire des objets mentaux, ce qui s’appelle la synthèse préfrontale. Elle est basée sur l’habileté du cortex préfrontal à contrôler le reste du néocortex. On considère que notre espèce a acquis l’habileté de la synthèse préfrontale il y a 70.000 ans, car tout artefact réalisé par un individu avant cette période ne montre pas cette habileté. C’est donc au cours d’un voyage de plusieurs millions d’années d’évolution que nos espèces se sont équipées avec de l’imagination.

Il n’y a pas que l’imagination qui fait que nous sommes humains, il y aussi et surtout les émotions. Dans le cerveau, l’information est traitée grâce à deux circuits, ou deux routes cérébrales : l’une basse, rapide, émotionnelle, qui opère à notre insu, automatiquement et sans effort, à une vitesse incroyable, et l’autre lente, rationnelle, qui passe par des systèmes neuraux qui travaillent méthodiquement, étape par étape et avec effort, et elle est consciente. Le chercheur en neurosciences Antonio Damasio a fait une découverte majeure : ces deux voies sont indispensables à notre bon fonctionnement. Dans son ouvrage L’Erreur de Descartes. La raison des émotions (1995), il explique que Descartes se trompait quand il séparait le corps et l’esprit, et que Spinoza avait raison. L’être humain est guidé par les émotions, mais il faut les connaître, et c'est le rôle de la Raison. Spinoza, considéré par Hegel comme le philosophe par excellence (L’alternative est : Spinoza ou pas de philosophie), est plus contemporain que jamais. Damasio explique le rôle majeur des émotions dans nos prises de décision, et pourquoi une décision rationnelle est une décision impossible. « Je ressens donc je pense, je pense donc je ressens ».

Chacun de nos choix est déterminé par l’interaction de nos deux routes cérébrales, un circuit rapide pour les émotions, un circuit lent pour le raisonnement. Voici un récit de faits survenus le 24 février 1991 et rapportés par Jonah Lehrer, auteur spécialisé de psychologie et de neurosciences dans son essai Faire le bon choix, Editions Robert Laffont, 2010. Il raconte ainsi comment un contrôleur radar (lors de la première guerre d'Irak) décide de lancer un missile contre une cible pour laquelle il n’a aucune preuve rationnelle que ce n’est pas un avion ami. Et pourtant, il le fait, il prend sa décision en une fraction de seconde. Un débriefing extrêmement élaboré a permis aux scientifiques de comprendre : l’inconscient du contrôleur radar « sait », après des années de pratique, qu'il s'agit bien d'un ennemi à abattre, et c'est « avec ses tripes » (une peur incompréhensible, les mains moites, etc.) que ce contrôleur prend la bonne décision, en faisant abattre le missile anti-navire irakien et en sauvant ainsi un bâtiment allié de la destruction. Consciemment, il n’a aucune idée pourquoi il a pris cette décision. La peur intense ressentie en détectant le spot sur le radar s’explique par un infime détail qui fait toute la différence: le spot désignant le missile a surgi sur l’écran au troisième tour de balayage radar, alors qu’un avion A-6 ami se serait signalé dès le premier tour. Le cerveau entraîné du contrôleur a inconsciemment enregistré ce retard subtil et cela a déclenché les manifestations physiques de la peur, d’où la décision. Antonio Damasio appelle marqueurs somatiques ces signaux physiques émotionnels (sueurs, tachycardie, rougeur, pâleur…) que notre corps envoie à la conscience pour l’alerter. Dans ce récit l’émotion a été bonne conseillère, dans d’autres, elle peut se révéler trompeuse. Mais une chose est sûre: elle est présente dans tous les choix que nous faisons. Après deux décennies d’études scientifiques, la vision préfrontale est aujourd'hui définitivement invalidée, en particulier grâce aux travaux de Damasio (Le cortex préfrontal a perdu son leadership !), qui considère que l’intelligence cognitive ne serait qu’une facette de notre intelligence globale, dont il existerait jusqu'à 8 formes, selon Gardner, qui y a rajouté deux, l’intelligence interpersonnelle (relationnelle) et intrapersonnelle (capacité d’introspection) regroupées sous le terme d’intelligence émotionnelle. Etre émotionnellement intelligent, c’est savoir identifier ses émotions et celles d’autrui et les réguler.

A l’inverse, dans des situations extrêmement stressantes, l’esprit parvient, dans un sursaut remarquable, à mobiliser toutes ses capacités d’analyse rationnelle pour élaborer des décisions vitales. Nous nous souvenons du film de Clint Eastwood, « Sully », avec Tom Hanks (2016) réalisé d’après l’histoire vraie du pilote qui a amerri en urgence sur l’Hudson, après une avarie qui s’est produite à l’un des moteurs. Le commandant a estimé que l’avion ne pouvait pas retourner à l'aéroport La Guardia, et a pris la décision de se poser sur les eaux gelées. Un exploit hors du commun, car tous les 155 passagers ont pu être évacués. Lors de l’enquête qui a suivi, les preuves factuelles, confirmées par simulateurs et l'analyse des boîtes noires, ont balayé toutes les doutes. C’était la bonne décision.

Dans des situations imprévisibles et limites, le cerveau humain fera toujours la différence. Et dans l’utilisation des IA, c’est l’aspect éthique qui fera toujours la différence. Ce qui nous envoie à la  morale de l’intention chez Abélard. L'essentiel ne change pas, car notre survie en dépend. 

 

Références

 

 

Commentaires

Quelle analyse pointue et pertinente sur les dernières découvertes sur notre cerveau!

Ton savoir et tes explications sont épatants !

Je t'embrasse très fort.

Marie Claude.

Écrit par : Marie Claude | 02/04/2023

Merci, ma chère Marie-Claude ! C'est un sujet d'actualité,fascinant,qui nous invite à la réflexion, tous. Comme tu as dû l'apprendre, des scientifiques ont signé pour faire une pause dans les travaux sur l'IA. Les risques semblent plus importants que les bénéfices.
Je t'embrasse très fort.

Écrit par : Carmen | 03/04/2023

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