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14/06/2015

La fiction comme thérapie

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(Photos Nice- Le jardin Alsace-Lorraine en juin)

 

La lecture peut être une thérapie pour gérer les défis émotionnels de l’existence. Les neurosciences ont trouvé que dans notre cerveau les mêmes réseaux s’activent quand nous lisons des récits et quand nous essayons de deviner les émotions d’une autre personne. Nos habitudes de lecture changent au fur et à mesure des étapes que nous traversons dans notre vie. Pour certaines personnes, lire de la fiction est simplement essentielle à leur vie. A une époque séculière comme la nôtre, lire de la fiction reste l’une des rares voies vers la transcendance, si l’on comprend par ce terme l’état insaisissable dans lequel la distance entre le moi et l’univers se rétrécit. Lire de la fiction peut nous faire perdre tout sens de l’ego, et en même temps, nous faire nous sentir pleinement nous-mêmes. Comme écrit Woolf, un livre nous divise en deux pendant que nous lisons, parce que l’état de lecture consiste en une totale élimination de l’ego, et qu’il nous promet une union perpétuelle avec un autre esprit.

La bibliothérapie est un terme qui désigne l’ancienne pratique consistant à encourager la lecture pour ses effets thérapeutiques. Sa première utilisation date de 1916, dans un article paru dans « The Atlantic Monthly » sous le titre « A Literary Clinic ». L’auteur y décrit un institut où l’on dispense des recommandations de lecture à valeur de guérison. Un livre peut être un stimulant ou un sédatif, un irritant ou un somnifère. Il a un effet certain sur nous, et nous devons savoir lequel. Nous choisissons nos lectures : des récits agréables qui nous font oublier, ou des romans qui nous sollicitent ou nous déstabilisent.

La bibliothérapie prend aujourd'hui des formes diverses et variées : des cours de littérature pour la population carcérale, des cercles pour personnes âgées ou atteintes de démence sénile. Il existe une bibliothérapie « émotionnelle », parce que la fiction a une vertu restauratrice. On peut prescrire des romans pour différentes affections, telles le chagrin d’amour, ou l’incertitude dans la carrière. En 2007, The School of Life a été créée avec une clinique de bibliothérapie, la fiction étant vue comme une cure suprême parce qu’elle offre aux lecteurs une expérience transformationnelle.

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01/06/2015

La pensée positive et le progrès

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(Photos Nice: les cactus en mai)
 
Un article publié récemment sur le site Alternet explique pourquoi la manie de l'espoir est une partie de l'endoctrinement corporatiste, et pourquoi la croyance que nous nous dirigeons vers un futur glorieux défie la réalité. Quelle serait donc la signification du progrès? Plus loin, un aperçu de cet article qui peut être lu ICI.

L’histoire n’est pas linéaire, et l’idée que le progrès moral accompagne le progrès technique est une forme d’illusion collective qui nous paralyse dans nos actions et nous donne un faux sentiment de sécurité. En fait, on assiste à la montée du totalitarisme, étayé par l’appareil de sécurité et de surveillance le plus terrifiant de l’histoire humaine. Un théoricien du XIX e, Jean-Louis Blanqui, prévoyait que le progrès scientifique et technologique, plutôt que d’annoncer le progrès, pourrait devenir une arme terrible entre les mains du capital contre le travail et la réflexion. Le progrès ne peut être tenu pour acquis, l’humanité peut revenir en arrière. La sagesse et la connaissance ne sont pas la même chose. La connaissance traite du réel et du particulier, c’est le domaine de la science et de la technologie, tandis que la sagesse traite de la transcendance, elle nous permet de voir et d’accepter la réalité, dans ce qu’elle a d’absurde et de désordonné. Elle n’est pas liée au progrès, et à travers les âges, elle est une constante : L’Ecclésiaste, Homère, Sophocle, Dante, Shakespeare, Beckett ont un trait commun: le pouvoir profond de l’observation de la vie.

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01/05/2015

La mémoire et le regret

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(Photo Nice: Promenade du Paillon)
 
Des ouvrages actuels traitant de l'optimisation du cerveau expliquent le rôle que joue dans ce processus notre mémoire émotionnelle (appelée  mémoire épisodique, ou mémoire du vécu). Nous sommes ce que nous nous rappelons, et notre identité dépend de tous les événements, les gens, les lieux qui sont inscrits dans notre mémoire, et que nous pouvons évoquer. Toutefois, la mémoire n'est pas un disque sur lequel seraient gravés tous ces souvenirs, mais un "praticien qui fait du plagiat de manière créative". Comme dit le personnage d'un roman lu récemment: la mémoire est un animal coopératif, toujours prêt à faire plaisir; ce qu’elle ne peut pas fournir, elle l’invente à l’occasion, improvisant avec application pour remplir les vides. Améliorer notre mémoire aura pour conséquence une meilleure récupération de l'information stockée dans le cerveau, et cela augmentera notre intelligence, montre le livre de Richard Restack The Naked Brain. Le mécanisme des associations, qui consiste à attribuer un sens ou une image à ce que nous voulons mieux faire retenir à notre mémoire de travail, est connu depuis l'Antiquité. Plus importante que la mémoire de travail, la mémoire émotionnelle est un outil psychologique essentiel, grâce auquel nous pouvons revivre ce que nous avons ressenti à un certain moment dans le passé: la tristesse, la déprime, la colère, la joie. L'auteur observe que lorsque nous perdons la mémoire émotionnelle de notre jeunesse, nous ne comprenons plus les jeunes, et si cet oubli progresse, nous risquons de perdre le contact avec nous-mêmes. Il recommande un exercice simple qui consiste à trouver une photo de nous à la moitié de notre âge actuel, et à échanger des lettres entre notre moi actuel et notre moi plus jeune, par rapport aux espoirs et aux problèmes d'hier, et dans la perspective de notre développement. C'est un exercice qui nous permettra de retrouver des émotions et des souvenirs des choses que nous n'avons plus expérimentées depuis des années, un peu comme dans l'épisode de la madeleine de Proust, dit Restack. Je remarquerais toutefois que dans ce fragment littéraire célèbre, il est question de mémoire involontaire - le souvenir n'est pas recherché délibérément, mais il se déclenche à partir d'une association sensorielle - et nous nous rappelons la description exceptionnelle de l'effort que fournit la mémoire afin de retrouver l'image à laquelle renvoie la sensation de goût. Donc, assez loin d'un exercice intentionnel.
La mémoire est liée à notre perception du temps, et des psychologues et des neuroscientifiques s'accordent sur l'idée que cette expérience du temps est créée exclusivement par notre esprit.

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17/04/2015

The Hard Problem

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Notre époque, appelée souvent celle du postmodernisme ou du post-postmodernisme, est l'époque où la philosophie, après s'être concentrée pendant des siècles sur nos représentations du monde, sur la conscience, ou sur les systèmes culturels, se tourne vers le monde réel. Beaucoup des derniers ouvrages philosophiques partent de l'idée que la réalité n'est pas un produit de la conscience, de nos perceptions ou du langage, mais qu'elle existe de manière indépendante: ce n'est pas nous qui faisons le monde, c'est lui qui nous fait.

Les motivations d'une telle perspective réaliste peuvent être aussi bien de nature écologique (le changement climatique est une situation du monde réel, qui demande une transformation physique du monde réel), que politique (la justice est une vérité à défendre, les conditions matérielles et économiques sont importantes, tout comme le traitement physique du corps humain). Des siècles de controverses et de débats ont entretenu le terrain de la réflexion -maîtres, disciples, écoles, théories. Prenons, par exemple, l'empirisme, qui va donner l'empirisme moderne et le pragmatisme. Par sa définition des modes de connaissances dérivés de l'expérience et de la logique qui s'affranchissaient de la Révélation, il était un précurseur de la science moderne, basée sur la méthode expérimentale. Toute connaissance valide et tout plaisir esthétique se fondent sur des faits mesurables, dont on peut extraire les lois générales en allant du concret à l'abstrait (Newton s'inscrit dans ce contexte intellectuel empiriste dont on retrouve les traces dans d'autres domaines que la philosophie -l'épistémologie, la logique, la psychologie, les sciences cognitives, la linguistique..). Mais l'empirisme était redevable aux nominalistes médiévaux (la querelle des universaux), qui se nourrissaient des catégories d'Aristote (la question si les étants généraux ont une existence réelle, ontologique, ou s'ils ne sont que des instruments nous permettant de parler du réel). Si pour Platon la connaissance est une réminiscence, les idées étant là de toute éternité, pour l'empirisme l'esprit est une table rase sur laquelle s'impriment des impressions sensibles.

Plus tard, William James dira que le monde est fait d'objets séparés (disjonctifs), indifférents et détachés les uns des autres, que notre esprit unifie afin de pouvoir agir sur eux (d'où l'importance de la distinction vrai/faux, laquelle, bien que prise au sens relatif, nous permet d'agir sur la réalité, de la modifier, de nous y adapter).  Nous créons ou nous découvrons des "lignes de faits" entre les objets différents, des lignes qui sont innombrables et qui ne peuvent être réduites à une seule, à un principe. Il n'y a pas de loi une et éternelle, en tout cas, dans l'état de nos connaissances actuelles, ce principe n'est pas encore disponible.

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