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01/07/2019

Le vieillissement

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( Photo- La Promenade du Paillon, Nice)

Notre époque se caractérise par l’explosion des connaissances et par l’éducation qui s’étend sur la vie entière. Elle voit coexister deux formes de vieillesse : passive et traditionnelle, et active. La richesse de l’environnement et la variété de l’expérience maintiennent et accroissent le fonctionnement cérébral. Dans le champ de la recherche en gérontologie, on peut distinguer  trois théories du vieillissement. La première se base sur des facteurs physiologiques et nous offre ce  tableau : le déclin, la dégénérescence, les cellules cérébrales qui disparaissent sans se renouveler, le raidissement, le comportement sénile, la baisse de performance dans le domaine intellectuel. Elle est nocive socialement et plutôt inexacte scientifiquement.

La deuxième dit que le déclin observé n’est pas inévitable, et avance l’hypothèse que c’est le manque d’exercice des facultés qui entraîne leur détérioration, et non le contraire. Il faut donc agir sur certains facteurs (hygiène de vie, traitements hormonaux, psychothérapies, exercice régulier des fonctions vitales).

La troisième, qui est nouvelle, avance l’hypothèse d’une amélioration des facultés, par l’usage, jusqu’au grand âge. Bien évidemment, le vieillissement est un processus différentiel, qui ne se fait pas de manière homogène, et il est influencé par une multitude de facteurs endogènes et exogènes. Selon certains chercheurs, le rétrécissement des intérêts est beaucoup plus que la détérioration endogène responsable de la chute du potentiel des capacités. Le fonctionnement mental est lié à l’âge de façon minime, mais il est en relation plus étroite avec le statut psychiatrique, la condition physique et le niveau d’éducation. Selon d’autres chercheurs, le déclin dans la créativité des personnes âgées est en relation stricte avec le niveau des attentes et attitudes sociales. Mais tous les chercheurs sont unanimes sur l’importance de l’utilisation des facultés dans la lutte contre la détérioration, car la plasticité est fonction de l’exercice, non de l’âge. La conduite de la vie ressemble à la pratique du vélo : qui cesse de pédaler doit mettre pied à terre, ou tombe.

Dans la note Les substitutions symboliques, le document en PDF joint présente une étude psychanalytique de la vieillesse, parue en 1988. Son auteur, la psychanalyste Charlotte Herfray, s'est éteinte l'année dernière, à 92 ans. Le philosophe Michel Serres, qui vient de nous quitter à l’âge de 89 ans, donnait en 1994, dans un entretien à Radio-Canada, une belle réponse à la question comment bien vieillir dans son corps et dans sa tête.

Voici la transcription de cette vidéo de quelques minutes:  

 

 - Comment on fait pour ne pas vieillir prématurément dans son corps et dans son esprit ?

 - C’est très facile. Le problème du vieillissement et la manière de se défendre a trois solutions : une mauvaise, une moyenne et une excellente. Il se trouve que l’excellente est complètement oubliée. Il y a une mauvaise solution : celle qu’on pourra appeler les cosmétiques. On pourra arranger les choses, avoir un faux nez, avoir des faux seins. C’est la plus mauvaise solution, parce qu’elle ne marche jamais, et pourtant, c’est la plus répandue.

Il y a une seconde solution, que j’appellerais la solution gymnastique. C’est-à-dire, continuer à faire de l’exercice, il faut. Ce matin, je suis allé marcher deux heures sur le Mont Royal, c’était tellement merveilleux avant le lever du soleil, il faut continuer à faire de l’exercice. Quand les médecins vous disent de faire de l’exercice pour ne pas vieillir, tout le monde les croit, ils ont raison. Mais ça a des limites. Je ne peux pas à 60 ans sauter 1,80 m en hauteur. J’ai beau m’entraîner, je n’y arriverai pas.

Et la troisième solution, qui est complètement oubliée, que personne ne pratique, et pourtant qui est de loin la meilleure, c’est la suivante : elle est intellectuelle. Si un médecin vous disait un jour : si vous ne voulez pas vieillir, vous devez tous les jours faire de l’exercice physique mais aussi un exercice un peu intellectuel. Lisez quelque chose d’un peu plus difficile que ce que vous arrivez à comprendre. Alors, votre intellect est toujours éveillé. La véritable jeunesse passe par l’esprit, et nous l’avons complètement oublié. On préfère les cosmétiques, on préfère l’exercice physique, et on oublie que ce qui vieillit le plus vite, c’est les facultés d’adaptation et les facultés de culture.

- Pourquoi on a oublié ça, d’après vous ?

- Eh bien, parce que nous croyons qu’en achetant quelque chose, ça dispensera de l’effort, ça n’est pas vrai. L’effort intellectuel, l’effort de compréhension, si on l’oublie, on est un vieillard à 30 ans, on est un vieillard à 25 ans, on est un vieillard à 40 ans. Tandis que, essayer de comprendre une chose difficile, de se réadapter à un monde inattendu ou imprévisible pour vous, c’est la véritable solution. Mais ça, personne ne le dit jamais.

- Etes-vous du genre à faire des problèmes de mathématiques pour vous détendre ?

- Ce n’est pas du tout ça. On me dit souvent : vos livres sont un peu difficiles. Alors je leur réponds : lisez mes livres et vous allez avoir de la difficulté à lire la première, la deuxième, la troisième page, etc., puis le simple effort va vous faire rentrer dans un autre monde, et puis vous-mêmes vous en gagnerez un extraordinaire bénéfice.

- Est-ce que c’est pour ça que vous écrivez de cette façon-là un  peu aussi ?

- Je connais de grands vieillards de 85 ans, 90 ans, qui ont l’œil brillant, qui sont beaucoup plus jeunes que beaucoup de mes collègues de 25 ans qui ont déjà laissé tomber toute activité intellectuelle ou toute activité de réadaptation. Ils ne veulent pas comprendre les choses difficiles. A force de taper sur le facile, à force de lire des choses évidentes, ou de feuilleter en regardant seulement les images, on devient un imbécile, et devenir un imbécile, c’est ça vieillir. Vieillir, c’est surtout ne jamais vouloir faire l’effort de ce genre.

- Est-ce qu’on apprend que ce que l’on comprend ?

 - Pas du tout, mais non, on apprend surtout ce qu’on ne comprend pas. Je veux dire par là que si, quand j’étais à l’école, je n’avais pas appris par cœur les fables de La Fontaine que je ne comprendrais pas, elles travaillent dans l’esprit, elles travaillent dans le ventre, elles travaillent dans le corps, et on finit par les comprendre dix ans, vingt ans, quarante ans après.

(https://www.facebook.com/watch/?v=597709414052404)

01/04/2019

Qu'est-ce qui fait votre vie?

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(Photo- Magnolia à Nice)

L'exercice : Accepter la dépendance

Pourquoi ?                                       

Voulez-vous essayer une petite expérience ?

Cessez de respirer. Vraiment. Pour quelques secondes, disons douze, et regardez ce que cela fait.

Je vois dans cette expérience une manière personnelle de reconnaître une vérité profonde, à savoir que notre vie dépend de dix mille choses pour sa survie physique, son bonheur, son amour, sa réussite.

Par exemple, durant trente secondes sans oxygène, la plupart des gens ne se sentent pas bien, après une minute, ils commencent à paniquer, et après quatre minutes, leur cerveau meurt ou il souffre de lésions. Chaque instant, votre vie et votre esprit demandent de l’oxygène : les plantes qui l’exhalent, le soleil qui dirige la photosynthèse, d’autres étoiles qui ont explosé il y a des milliards d’années, tout cela afin de produire chaque atome d’oxygène de votre prochaine minute de respiration. Pensez aux gens sur lesquels vous pouvez compter - et qui représentent les contacts, l’attention, la bienveillance - ou bien aux médecines, aux enseignements philosophiques, à la société civile, aux technologies, ou à tous vos propres bons efforts de l’année dernière, et dont vous bénéficiez à ce jour.

Quelque part, il est effrayant de savoir que nous vivons suspendus à dix mille fils vulnérables, dont beaucoup peuvent être coupés à tout moment. Mais d’autre part, accepter cette vérité peut réduire au silence les mensonges de l’autocritique injustifiée. Bien entendu, nous avons besoin des autres, bien entendu, des causes et des conditions doivent exister pour que quelque chose réussisse, bien entendu, nous ne pouvons pas faire pousser des roses sur un terrain de parking. Nous sommes fragiles, légers, vulnérables, blessés par des riens, et assoiffés d’amour. Quand vous acceptez cette vérité, vous ne serez plus si durs envers vous-mêmes ou envers les autres.  

Accepter la dépendance vous met en harmonie avec la réalité du moment. Toutes les choses qui existent, à partir des hommes à tout faire aux galaxies, naissent et meurent en dépendant de beaucoup d’autres choses. Il n’y a pas à avoir honte de la dépendance, malgré l’accent particulier que notre culture met sur l’indépendance. Pouvoir entendre la voix d’une personne aimée, manger une fraise, prendre une respiration profonde, s’apercevoir de sa dépendance vous amène vers une intense gratitude quand vous comprenez que dix mille vulnérabilités sont en réalité dix mille cadeaux.

Comment ?

Réfléchissez à certaines des nombreuses choses dont vous dépendez. Imaginez que l’année prochaine vous ne fermez plus vos portes à clé, vous renoncez à votre plat préféré, vous ne parlez plus avec votre famille et avec vos amis. Laissez-vous imprégner par l’évidence que vous utilisez ou avez besoin de beaucoup de choses et de personnes au quotidien. Essayez d’adopter une attitude neutre à propos de cela, en sachant que c’est valable pour chacun, non seulement pour vous.

Ensuite, regardez dans la direction opposée et reconnaissez combien d’autres dépendent de vous. Ils sont affectés par votre sourire, par le ton de votre voix, ou si vous oubliez ou non d’acheter le lait en rentrant le soir. Moi, cela me fait me sentir bien : je suis relié plus qu’isolé, je suis une personne qui compte. Je me sens plus tendre et plus aimable envers les autres.

De la même manière que des gens dépendent de vous, vous aussi, vous dépendez de vous. La personne que vous êtes maintenant a été comblée sous multiples formes, petites ou grandes, par les précédentes versions de vous-même. Tel le coureur dans une course à relais, vous passez le bâton chaque jour à celui que vous serez au réveil, le lendemain matin. Pensez à ces nombreuses choses positives que vos précédentes versions de vous-même ont apportées à votre vie : les problèmes résolus, les objectifs atteints, la vaisselle faite, les relations mûries, les leçons apprises. C’est simple et puissant : remerciez-les silencieusement. Comment vous sentez-vous ?

En attendant, regardez comment la future version de vous-même dépend de ce que vous faites aujourd'hui. Doucement, sans forcer, acceptez que cette future version compte sur vous, à cet instant. Qu’est-ce qu’il pourra souhaiter, cet être-là, que vous soyez? Que pourriez-vous faire cette année, ce jour, afin que votre future personne crée - dans son âge moyen ou dans sa vieillesse - une existence en sécurité, en bonne santé, heureuse, confortable ?

A la fin, soyez honnête avec vous-même quant à vos besoins et à tout ce qui est important pour vous. Que souhaiteriez-vous nourrir ou étayer ? De manière paradoxale, plus vous serez ouvert à l’humilité de la dépendance, plus vous serez simple et vrai pour arroser votre propre arbre fruitier.

(Adaptation de l'article Accept Dependence de Rick Hanson)

 

Archives CEFRO -Pour une relecture :

Nos émotions sont nécessaires (2017) 

 Acceptons nos émotions (1) 

 Acceptons nos émotions (2) (2016)

 

 

01/12/2018

Les substitutions symboliques

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(Photo- Noël aux Galeries Lafayette, Nice)

Tout au long de notre vie, de l’enfance à la vieillesse, après chaque perte de l’objet d’amour, nous nous efforçons de maintenir le désir en le réinvestissant dans le symbolique, afin de pouvoir continuer l’aventure tragique, magnifique et unique qu’est l’existence. La grande question est où trouver les forces pour assumer ses deuils, et donc ses pertes et ses blessures narcissiques, afin de reconstituer toujours et encore un équilibre, même précaire, jusqu’à la fin ? La sublimation permet des substitutions d’objets pour sauvegarder le plaisir. L’être humain ne peut qu’échanger une satisfaction contre une autre, dit Freud, une satisfaction compensatoire au renoncement.

La note peut être lue dans le document PDF ci-joint

01/10/2018

Cerveau et comportement

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(Photo- La vitrine)

L’émotion, la cognition et le comportement forment le triangle d’or des neurosciences sciences cognitives, qui se proposent d’expliquer la personne humaine par la connaissance du cerveau. Mais nous savons que déjà la philosophie, l’art, la littérature ont porté, au fil des siècles, une réflexion constante sur l’homme en tant que corps, âme, esprit, être de parole et de relation.

Spinoza : « L’âme est un certain mode déterminé du penser et ainsi ne peut être une cause libre, autrement dit, ne peut avoir une faculté absolue de vouloir ou de non vouloir ; mais elle doit être déterminée à vouloir ceci ou cela par une cause, laquelle est aussi déterminée par une autre, et cette autre l’est à son tour par une autre, etc. »

E.M. Cioran : « N’importe quel malade pense plus qu’un penseur. La maladie est disjonction, donc réflexion. Elle nous coupe toujours de quelque chose et quelquefois de tout. Même un idiot qui éprouve une sensation violente de douleur dépasse l’idiotie ; il est conscient de sa sensation et se met en dehors d’elle, et peut-être en dehors de lui-même, du moment qu’il sent que c’est lui qui souffre. Semblablement, il doit y avoir, parmi les bêtes, des degrés de conscience, suivant l’intensité de l’affection dont elles pâtissent. »

« Penser, c’est courir après l’insécurité, c’est se frapper pour des riens grandioses, s’enfermer dans des abstractions avec une avidité de martyr, c’est chercher la complication comme d’autres l’effondrement ou le gain. Le penseur est par définition âpre au tourment. »

« Depuis toujours je me suis débattu avec l’unique intention de cesser de me débattre. Résultat : zéro. Heureux ceux qui ignorent que mûrir c’est assister à l’aggravation de ses incohérences et que c’est là le seul progrès dont il devrait être permis de se vanter. »

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