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13/02/2015

Ethique et univers

éthique, bien, mal, désir, bonheur, philosophie, sciences, univers, complexité(Photos Nice: Pâquerettes)

 

Pour Thomas d'Aquin, le mal est une absence de bien, privatio boni, il dérive d'une perversion du bien. Nous faisons le mal parce que nous désirons le bien, et nous recherchons le bien de mauvaise façon. Le désir qui s'oriente vers le mal ne peut être qu'une perversion du désir, et celui qui convoite le mal le fait à cause d'un défaut, d'un manque dans sa capacité de désirer, une sorte d'infirmité. Pourquoi le mal serait-il donc nécessaire? D'abord, à cause de la constitution de l'homme comme créature, ensuite pour mettre mieux en évidence le bien. Si chaque objet est connu par rapport à son contraire, alors, s'il n'y avait pas de mal, le bien serait connu de façon moins déterminée, et par conséquent serait désiré avec moins d'ardeur. Si le bien doit être reconnu avant d'être désiré, il peut être reconnu avec plus de précision en étant mis en rapport avec le mal. En ce sens, le mal devient une occasion de bien. 

 

Jusqu'à la fin du XVIIIe, la poursuite du bonheur était quelque chose attaché au concept de bien, et aussi le ressort évident de toute action humaine. Pour les Stoïciens le bonheur ou le vrai bien découle directement de la vertu rationnelle -ne pas désirer, c'est être libre. L'adversité n'est pas dans les choses, mais dans le désir qui nous met en conflit avec les choses. C'est dans L'Ethique à Nicomaque que nous pouvons trouver une analyse rigoureuse du lien entre le bonheur et le souverain bien. En observant que "tous assimilent le fait de bien vivre et de réussir au fait d'être heureux", Aristote réfute toutes les positions visant à réduire le bonheur au plaisir, à la richesse, aux honneurs. Pour lui, le bonheur n'est jamais désirable en vue d'autre chose, il est toujours une activité menée conformément à la raison et en accord avec la vertu. En même temps, ce n'est que l'intellect qui délibère, car il permet non seulement d'expliquer une action, mais aussi de la justifier d'un point de vue éthique. D'où l'importance de la sagesse ou de la prudence, qui est pour lui "une disposition accompagnée de règle vraie, capable d'agir dans la sphère de ce qui est bien ou mal pour les êtres humains" (Ethique à Nicomaque, 1143 B 3-4). L'activité propre de l'homme réside dans l'activité de l'âme conforme à la raison, c'est-à-dire à la vertu. C'est pour cette raison que bonheur et vertu sont identifiés: si l'homme réalise son excellence par la vertu, si c'est par elle qu'il atteint sa fin propre, alors c'est elle qui doit être qualifiée de souverain bien. 

Pour Spinoza, qui recherche le Souverain Bien capable de se communiquer,  le bonheur n'est pas la récompense de la vertu, il est la vertu elle-même. 

 

On comprend ainsi que faire de la poursuite du bonheur un but en soi est une erreur. Il faudrait chercher autre chose que son propre bonheur, par exemple le bonheur d'autrui, l'amélioration de la condition de l'humanité, la justice sociale, aspirer à autre chose qui soit non pas un moyen, mais une fin idéale. Et alors, on découvrirait le bonheur chemin faisant. Peu importe le type d'activité que l'on fait, l'important c'est de placer son intérêt dans une fin idéale. 

La philosophie n'est pas que spéculation, elle vise à la sagesse dans sa dimension pratique. Je sais qu'il existe des tentatives de faire du développement personnel à partir d'une doctrine philosophique - appliquer telle ou telle doctrine philosophique dans notre vie. Il y a même des livres qui sont sortis. Je ne trouve en rien cette démarche séduisante, pour la simple raison qu'elle semble ignorer la mise à distance nécessaire pour la pensée, et aussi le rôle de la subjectivité et de l'expérience personnelle. Faire connaître, revisiter les philosophes, les présenter, les faire relire, et dégager ce qui est universel dans les catégories et les concepts, cela oui. Ce serait une démarche utile et respectueuse du raisonnement des individualités du XXIe que nous sommes. Autrement, la philosophie servirait à un autre type d'endoctrinement, lorsqu'elle se veut libératrice. 

 

De récentes découvertes en science laissent supposer que l'univers produit de façon naturelle de la complexité. Les scientifiques essaient de comprendre comment la structure simple de l'univers peut permettre la création de la complexité. L'émergence de la vie en général, et de la vie rationnelle en particulier, associée à sa culture technologique, pourrait être très courante, ce serait une tendance réelle de l'univers d'évoluer de façon prévisible. Le fait de croire que l'univers est structuré pour produire de la complexité en général, et des créatures rationnelles en particulier, n'est pas forcément une croyance religieuse, c'est-à-dire que cela n'implique pas forcément que l'univers a été créé par un Dieu, mais cela suggère que le type de rationalité que nous possédons n'est pas un accident. Il doit y avoir quelque chose de spécifiquement moral concernant les créatures rationnelles et sociales, et dans ce cas, les éventuels extraterrestres intelligents ont dû développer des attitudes similaires à partir de leurs engagements moraux de base. Un tel accord universel pourrait être un système éthique universel.    

19/01/2015

L'apprentissage de l'intelligence émotionnelle

intelligence émotionnelle, compétences, apprentissage, pédagogie, entreprise intelligente, formation (Photo: Nice, Promenade des anglais)

 

Des dizaines d'années de recherches prouvent que l'intelligence émotionnelle est le facteur qui départage clairement ceux qui réussissent, aussi bien dans leur vie professionnelle que personnelle. L'intelligence émotionnelle est ce quelque chose qui existe en chacun de nous et qui affecte la manière dont nous gérons notre corps et notre esprit, dont nous affrontons les complexités sociales, en prenant les décisions les plus appropriées pour arriver à des résultats positifs. Cette intelligence est en rapport avec un élément fondamental du comportement humain parfaitement distinct de l'intellect. Nous ne pouvons pas prédire l'intelligence émotionnelle à partir du QI d'une personne -elle peut avoir un QI de 125, et avoir cependant un sérieux déficit en compétences émotionnelles (la conscience de soi, la maîtrise de soi..). 

Goleman observe que l'importance de l'intelligence émotionnelle tient au lien qui unit la vie affective, la personnalité et les instincts moraux, et que les attitudes éthiques fondamentales de l'individu dérivent de ses capacités psychologiques sous-jacentes. Nous sommes guidés dans le monde qui nous entoure par deux esprits -rationnel et émotionnel -dont les modes de connaissance sont très différents. L'esprit émotionnel alimente en informations les opérations de l'esprit rationnel, lequel va les traiter, en les affinant ou en les rejetant. Ils sont semi-indépendants, puisqu'ils reflètent le fonctionnement de structures cérébrales distinctes mais interconnectées (le cerveau "pensant" et le système limbique). L'Intelligence émotionnelle est une composante essentielle de la personnalité, sans s'y réduire. Sur le parcours de notre vie, notre personnalité (ou "le style" qui nous définit) est plutôt stable, tout comme le QI (notre intelligence cognitive ou habileté à apprendre est pratiquement la même à 15 ans et à 50 ans).

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10/01/2015

Pédagogie

Le monde anglosaxon, qui maintient sa longueur d'avance, accorde une importance particulière au développement des compétences émotionnelles dans ses programmes d'enseignement ( les programmes SEL -Social Emotional Learning). 

En France, ce type d'éducation qui met l'accent sur le développement de l'intelligence émotionnelle, sociale et relationnelle est plutôt à ses débuts (tout comme le serait le nouveau management basé sur les points forts), mais il commence à prendre contour, ainsi que l'on peut constater dans ces publications. En tout cas, il est indispensable dans le monde actuel.

Les journaux pour aider les enfants à décrypter l'attentat à Charlie Hebdo:

pour les 6-10 ans

pour les 10-14 ans

pour les 13-17 ans

08/01/2015

Le totalitarisme

DSC_0381.JPG
(Photo: Drapeau en berne sur la Gare de Nice)
 
Il existe des moments où le dégoût semble insurmontable, bien plus que le chagrin pour les victimes -des journalistes dessinateurs tués sur leur lieu de travail, en plein milieu d'une conférence contre le racisme.. En prenant la fuite, les tueurs ont lâché un cri de victoire résumant toute l'horreur et l'inscrivant dans un arc de cercle qui relie le XXI e aux premiers siècles d'une humanité balbutiante. C'est cette proposition incompréhensible et inconcevable ("on a vengé le prophète") qui ne cesse de me hanter, malgré tout l'appareil civilisé et rassurant qui s'est déclenché aussitôt: les réactions de compassion, les sentiments éduqués, la position de l'Etat et les appels au rassemblement, et surtout le refus obligatoire du fameux amalgame.. Et le hic est là.
En parcourant la presse, j'ai retenu deux articles pour ces quelques vérités essentielles: les meurtres commis à Paris font partie des derniers coups portés par une idéologie totalitaire qui a cherché à atteindre le pouvoir par la terreur pendant des décennies; en Europe ce ne sont pas les religions qui font la loi, la religion doit rester limitée essentiellement à la sphère privée et soumise au respect des lois et des principes démocratiques...
 
Peut-être minimisons-nous encore le fait que la force de l'ignorance est bien capable de détruire une civilisation. Derrière la violence il y a toujours une ignorance qui se cache -qu'elle soit d'ordre intellectuel/cognitif ou d'ordre émotionnel. La violence de certains croyants sert sûrement un désir de puissance absolue au nom de Dieu, mais ce trouble de la personnalité pourrait être considéré comme d'autres troubles (la violence domestique, le narcissisme, les personnalités borderline, etc.) s'il n'était pas particulièrement dangereux pour la société, puisque ce qu'il vise, c'est la liberté de pensée et d'expression, la tolérance, le pluralisme, la démocratie. La religion comme politique, la politique comme religion, rien de plus mortel pour notre civilisation.