01/10/2019
La peur
(Photo- Livre)
Nous savons maintenant, depuis quelques décennies, que "le cortex préfrontal a perdu son leadership", comme l’affirme, avec humour, Antonio Damasio, dont les travaux en neurosciences sont bien connus. Notre corps envoie en permanence des signaux physiques émotionnels au cerveau (les marqueurs somatiques) pour l’alerter. Ce sont eux qui facilitent la prise de décision en cas de peur. Il existe un circuit lent pour le raisonnement, un circuit rapide pour les émotions : l’interaction de nos deux routes cérébrales détermine chacun de nos choix. Le cerveau émotionnel (la route basse) réagit en quelques millisecondes à un stimulus émotionnel pour produire une première réaction instinctive, une émotion, qui permet à l’individu de se faire une opinion expresse sur une situation donnée (en 500 millisecondes, une première impression: j’aime/j’aime pas). Le cerveau rationnel (la route haute) réagit après-coup pour contextualiser l’émotion et la réguler.
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01/09/2019
Dikè et Hybris
(Photo- L'arbre rouge)
L'homme n'est qu'un roseau, le plus faible de la nature, mais c'est un roseau pensant. (…) Toute notre dignité consiste donc en la pensée. (PASCAL, Pensées)
Dans son livre Apprendre à vivre. La sagesse des mythes, Luc FERRY revisite la mythologie grecque pour nous livrer une belle leçon de philosophie. Il faut retenir trois idées fondamentales de la cosmogonie, c'est-à-dire de la naissance des dieux et des hommes.
La première, c’est que la vie bonne, même pour les dieux, peut se définir comme une vie en harmonie avec l’ordre cosmique. Rien n’est supérieur à une existence juste, au sens où la justice (dikè) est d’abord la justesse, c’est-à-dire le fait d’être en accord avec le monde organisé, bien partagé, qui est sorti péniblement du chaos. Telle est désormais la loi de l’univers, loi fondamentale en vérité et à laquelle les dieux eux-mêmes sont soumis. Le destin est la loi du monde, même les Immortels lui sont soumis.
La deuxième idée découle directement de la première : si l’édification de l’ordre cosmique est la conquête la plus précieuse des Olympiens, alors il va de soi que la faute la plus grande qui puisse être commise aux yeux des Grecs et dont toute la mythologie ne cesse de nous parler, c’est l’hybris, la démesure orgueilleuse qui pousse les êtres, mortels comme immortels, à ne pas savoir rester à leur place au sein de l’univers.
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01/08/2019
Le temps et le Soi
(Photo- L'arbre et son fruit)
"Je dis je en sachant que ce n'est pas moi" (Samuel Beckett, L'Innommable)
Les états modifiés de conscience : la neuropsychologie ou comment la perception du temps module notre expérience du Soi, de la dépression à l’ennui et au flux créatif.
« Le cerveau n’est pas une simple représentation du monde de manière désincarnée, comme une construction intellectuelle. Notre esprit est lié au corps. Nous pensons, nous ressentons, et nous agissons dans le monde avec notre corps. Toute expérience est transcrite dans ce corps existant au monde. »
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01/02/2019
La conscience, sujet de la philosophie et des neurosciences
(Photo- La pleine Lune)
Un véritable fil rouge traverse les siècles et les époques, car l’homme est un être, mais un être de Parole, créateur de civilisation et de culture, et en tant que tel, il s’interroge sur son propre fonctionnement. Pour la présente note, j’ai choisi de revisiter deux moments de cette réflexion dans mon travail de recherche antérieur, et j’ai adapté, dans le document joint en format PDF, quelques articles récents qui résument des perspectives actuelles en neurosciences cognitives.
Une constante de la philosophie médiévale est la synthèse originale qui réconcilie l’étude et la prière, la raison et la foi, l’intelligence et l’amour. Thomas d’Aquin, dans l’élaboration de son savoir théologique et philosophique, fait part très large à la raison, en excluant la thèse de l’illumination divine (chère aux franciscains) dans laquelle la raison humaine se trouverait aliénée. Le Dieu thomiste est acte pur, infini et unique, situé à l’opposé de la matière, puissance pure, tout l’entre-deux étant composé d’acte et de puissance. Il adapte ainsi la pensée d’Aristote quand, en posant que la seule source de notre connaissance est la réalité sensible, il déduit que s’il y a de l’intelligence dans les choses, de l'intelligible en puissance, il est nécessaire, pour que cet intelligible soit en acte, l’intervention d'une faculté active, l'intellect agent. Le Bien, selon Thomas d'Aquin, n’est pas le bien en soi, mais le bien en tant que présenté par la raison de l’homme, c’est-à-dire par le jugement de sa conscience. Le sujet est personne et liberté. Ce que, à tort ou à raison, la conscience juge bon et obligatoire lie par là même une volonté, et si cette volonté s’écarte de ce que la conscience juge comme bien obligatoire, il y a fuite du bien, et donc mal moral. L’homme pèche toujours en agissant contre sa conscience, la suivre contre la loi n’est pas un moindre mal, mais subjectivement un bien.
Le principe de toute la spéculation médiévale est Fides quaerens intellectum, la foi en quête de l’intelligence. La foi doit être studieuse, active, on ne cherche pas à comprendre pour croire, mais on croit pour comprendre, car on ne pourrait comprendre sans croire. L’œuvre de la raison est une approche du salut - plus l’esprit progresse dans l’intelligence de la foi, plus il se rapproche de la vision de l’au-delà. Mais cette foi, point de départ de la recherche, n’est pas une simple adhésion des facultés de connaissance, elle est toute pénétrée d’affectivité, son but n’est pas seulement l’acquisition d’un grand savoir, c’est une contemplation admirative qui s’épanouit en amour.
Au début du XXe siècle, dans un ouvrage devenu classique, Das Heilige, Rudolf Otto donne une analyse fondamentale du sacré (le numen) et décrit l’esprit en le rapprochant de l’expérience numineuse. Au-dessus et au-delà de notre être il y a, caché au fond de notre nature, un élément dernier et suprême qui ne trouve pas satisfaction dans l’assouvissement et l’apaisement des besoins répondant aux tendances et aux exigences de notre vie psychique, physique, spirituelle. C’est le tréfonds de l’âme, là où se cache une expérience -connaissance a priori, qui est l’expérience numineuse. Otto analyse cette catégorie de la conscience humaine en termes d’éléments rationnels et non-rationnels : le mysterium tremendum, l’élément répulsif du numineux, qui se schématise par les idées de justice, de volonté morale, -la sainte colère de Dieu, dont parle l’Ecriture- et le mysterium fascinans, l’élément captivant, qui se schématise par la bonté, la miséricorde, l’amour, la grâce. Le rationnel qui se trouve dans le sacré est ce qui peut être traduit en concepts, ce qui peut être mis en langage. Le non-rationnel est impossible à faire passer de l’obscurité du sentiment dans le domaine de la compréhension conceptuelle, sinon au moyen d’images et d’analogies. L’invisible, le non-temporel (l’éternel), le surnaturel, le transcendant ne sont que de simples idéogrammes qui indiquent le contenu du sentiment en question, mais pour comprendre, il faut avoir éprouvé l’expérience numineuse. Les moyens d’expression du sacré sont divers : l’effrayant, le hideux, le terrible ou, au niveau supérieur, le grandiose, le sublime. Suivant une loi psychologique, dit Otto, les idées et les sentiments se suscitent et s’éveillent dans la mesure de leur ressemblance, ce n’est pas le sentiment qui se transforme, mais c’est le moi qui passe d’un sentiment à l’autre, par le déclin graduel de l’un et le progrès de l’autre.
De nos jours, il n’est toujours pas facile de donner une définition de la conscience. Est-ce qu’elle est le produit du cerveau ? Est-ce qu’elle est le produit du cœur aussi ? S’étend-elle au-delà de notre corps ?
La conscience et la cohérence cœur/cerveau (PDF)
Références : Scientists say your « mind » isn’t confined to your brain, or even your body
What is Consciousness is Just a Product of our Non-Conscious Brain ?
Le récit personnel et la conscience personnelle (le modèle d'Oakley & Halligan)
How do you explain consciousness ? (video avec David Chalmers, sous-titres en français)
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